LE DON DE CRAINTE |
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A première vue, il semble avoir contradiction car d'un côté on honore la crainte de Dieu
et d'un autre côté, Jésus lui-même nous dit de ne pas avoir peur. Il y a plusieurs sens à la
crainte et le mal-entendu actuel sur la crainte de Dieu mérite qu'on s'y attarde pour l'expliquer.
D'après saint Augustin : "Il n'y a pas de crainte dans la charité (I Jn 4,18).
Mais de quelle charité ? Non dans la charité inchoative. Alors, dans laquelle ?
Mais la parfaite charité, dit-il, bannit la crainte. Il faut donc que la crainte commence :
car le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur (Pr 1,7).
La crainte prépare en quelque sorte la place à la charité.
Mais quand la charité commence à habiter le coeur, elle chasse la crainte qui lui a préparé
la place. Plus en effet croît la charité, plus la crainte décroît; et plus la charité devient intérieure,
plus la crainte est chassée dehors. A plus grande chari-té, moindre crainte; à moindre charité,
plus grande crainte. Mais, sans la crainte, il n'y a pas d'accès à l'entrée de la charité."
(S. Aug., In Epistol. Joan. Tract. IX, c. 4)
"Que votre charité soit attentive ! Il y a des hommes qui craignent Dieu de peur d'être jetés
dans la géhenne, de peur peut-être de brûler avec le diable dans le feu éternel. Cette crainte
est celle qui donne accès à la charité : mais elle n'entre dans l'âme que pour en sortir.
Si en effet ce sont les châtiments qui te font craindre Dieu, tu n'aimes pas encore celui que
tu crains de la sorte. Tu ne désires pas le bien, tu te gardes du mal. Mais du fait que tu te gardes
du mal, tu te corriges, tu commences à désirer le bien. Dès que tu commences à désirer le bien,
la crainte chaste est en toi. Qu'est-ce, la crainte chaste ? celle de perdre les biens eux-mêmes.
Comprenez bien. Autre chose est craindre Dieu, par peur qu'il ne t'envoie dans la géhenne avec
le diable; autre chose est craindre Dieu, par peur de le voir s'éloigner de toi.
Cette crainte qui te fait craindre d'être jeté dans la géhenne avec le diable n'est pas encore
chaste; car elle ne vient pas de l'amour de Dieu, mais de la crainte du châtiment.
Par contre, lorsque tu crains Dieu, par peur qu'il ne te retire sa présence :
tu l'embrasses, tu désires jouir de lui."
(S. Aug., In Epistol. Joan. Tract. IX, c. 5)
D'après saint Thomas d'Aquin : Il existe quatre sortes de crainte
(à partir de son Commentaire de l'Epître aux Romains de saint Paul) :
1. Crainte humaine ou mondaine.
A l’égard des dons de l’Esprit Saint, remarquez que l’Esprit Saint produit en nous deux effets :
l’un de crainte (Is XI,3) :
Il sera rempli de l’Esprit de la crainte du Seigneur, l’autre d’amour (Rm V,5) :
L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
Or la crainte fait les esclaves, mais il n’en est pas de même de l’amour.
Pour rendre ceci évident, observons que la crainte a deux objets : le mal que l’on fait par la
crainte et ce qui paraît nous menacer dans ce mal.
C’est ainsi qu’on dit que l’homme craint et la mort et le roi qui peut la donner.
Or quelque-fois le mal que l’on redoute est opposé au bien corporel ou temporel, qu’en certaines
circonstances on aime, contrairement à l’ordre, et que l’on répugne à subir de la part d’un
homme ordinaire.
Cette disposition est la crainte humaine ou mondaine; elle ne vient pas de l’Esprit Saint.
Le Sauveur la condamne (Mt X,28) : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer
l'âme; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter l'âme et le corps dans la géhenne.
2. Crainte servile. Il est une autre crainte qui fuit le mal, parce qu’il est opposé à la nature créée,
à savoir le mal de la peine. On craint de le subir de la part d’une cause spirituelle, c’est-à-dire
de la main de Dieu. Cette crainte est louable en ce que, au moins, elle craint Dieu (Dt V,29) :
Qui leur donnera un coeur pour me craindre ? Quand elle est telle, elle vient de l’Esprit Saint;
mais lorsque cette crainte ne fuit pas le mal opposé au bien spirituel, à savoir le péché, mais
seulement le châtiment du péché, elle n’est pas louable. Ce défaut, elle ne le tient pas de l’Esprit
Saint, mais de l’imperfection de l’homme. C’est ainsi que la foi informe, en tant qu’elle
appartient à la foi, procède de l’Esprit Saint, mais non en tant qu’elle est informe.
Si donc, sous l’inspiration de cette crainte, on fait quelque bonne action, cette action n’est pas
bien faite, parce qu’on ne la fait pas spontanément, mais comme contraint par la crainte du
châtiment, ce qui est le propre de l’esclave. Voilà pourquoi cette crainte est justement appelée
servile, car elle fait agir l’homme servilement. 3. Crainte initiale. Il est une troisième crainte qui
fuit le mal opposé au bien spirituel, c’est-à-dire le péché, ou la séparation de Dieu, qu’elle
redoute d’encourir par une juste vengeance. Ainsi, dans ce double objet, elle envisage une
chose spirituelle, bien qu’elle ait en même temps l’oeil au châtiment.
Or cette crainte est appelée la crainte des commençants, parce que, d’ordinaire, elle se trouve dans les pécheurs au début de leur conversion. Ils craignent le châtiment à cause de leurs péchés passés; mais ils craignent aussi, en vertu de la grâce in-fuse de la charité, d’être séparés de Dieu par le péché.
C’est de cette crainte qu’il est dit dans le Psalmiste (CX,9) :
La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
4. Crainte filiale. Il est enfin une quatrième espèce de crainte, qui, des deux côtés, n’en visage
que le bien spirituel, parce qu’elle ne redoute que la séparation de Dieu. Cette crainte est sainte;
elle subsiste dans les siècles des siècles, comme le dit aussi le Psalmiste (XVIII,10).
Or, de même que la crainte des commençants est produite par la charité imparfaite, cette
dernière crainte est l’oeuvre de la charité parfaite (I Jn IV,18) : L’amour parfait chasse la crainte.
Voilà pourquoi on ne distingue pas la crainte initiale et la crainte pure, de l’amour de charité,
principe de l’une et de l’autre, mais seulement la crainte du châtiment; car, de même que cette
dernière fait l’esclave, l’amour de charité fait la liberté des enfants, puisqu’il détermine l’homme
à agir volontairement pour l’honneur de Dieu, ce qui est le propre des enfants.
Ainsi la Loi ancienne a été donnée dans la crainte, ce qui était marqué par le bruit du tonnerre
et les autres prodiges qui eurent lieu à sa promulgation (Ex XIX,16-19).
Voilà pourquoi l’Apôtre dit aux Hébreux (XII,21) :
En effet, ce qui apparaissait était terrible.
C’est pour cela aussi que la Loi ancienne, qui portait, par la menace du châtiment, à garder les
commandements de Dieu, a été donnée dans l’Esprit de servitude. De là ce mot de saint Paul
aux Galates (IV,24) : La première alliance établie sur le mont Sinaï n’engendre que des esclaves.
C’est pourquoi l’Apôtre (saint Paul) dit ici : Il a été avancé avec vérité que Ceux qui sont
conduits par l’Esprit de Dieu sont enfants, etc.
Car il n’en va pas dans la Loi nouvelle comme dans la Loi ancienne :
Vous n’avez pas reçu l’Esprit de servitude qui inspire la crainte à savoir la crainte des
châtiments, crainte excitée cependant par l’Esprit Saint; mais Vous avez reçu l’Esprit à savoir
de charité, qui est l’Esprit d’adoption des enfants c’est-à-dire par lequel nous sommes adoptés
comme enfants de Dieu (Ga IV,5) : Afin que nous reçussions l’Esprit d’adoption des enfants.
Cependant cette manière de parler n’implique pas deux Esprits différents, mais un même Esprit,
qui, dans les uns, produit la crainte servile, c’est-à-dire un amour encore imparfait, et, dans les
autres, l’amour, c’est-à-dire un sentiment parfait. D'après la théologie catholique :
Elle enseigne que le don de crainte est le premier et le plus petit des sept dons de l'Esprit-Saint
(Is 11,2).
Lorsque nous recevons l'Esprit-Saint au baptême, nous recevons en même temps ses sept dons,
sous forme de germes. Ce n'est que par les oeuvres de la foi que ses dons se développent.
Mais puisque le don de crainte est nécessaire pour permettre ensuite à la charité de prendre
place, en quoi consiste donc ce don ?
La crainte est un don du Saint-Esprit qui nous fait
craindre Dieu, comme un père, et fuir le péché parce qu'il lui déplaît.
Quels sont les effets ou les applications du don de crainte ? 1. Le premier effet est de nous rendre humble devant
Dieu puisque l'homme ne peut rien sans Dieu.
2. Le deuxième effet est de nous faire fuir devant le péché qui déplaît à Dieu.
(Eccli 1,27-28)
L'orgueil s'oppose à la crainte parce que l'homme ne se glorifie plus dans les oeuvres divines
mais dans ses propres oeuvres (à l'image de Job avant d'être éprouvé par Dieu), parce qu'il
croit détenir la vérité au détriment de la Vérité. Voici encore ce qu'est le don de crainte de Dieu :
• Il est le don par lequel l'âme ne désire accomplir que la volonté de Dieu.
• Il est le don qui donne à l'âme de se conduire selon la vérité, selon la Parole de Dieu par
amour pour lui.
• Il est le don par lequel l'âme désire combattre tout ce qui est ténèbres, tout ce qui est charnel
et tout ce qui est mensonge afin de vivre dans la vérité et afin de plaire à Dieu.
• Il est le don par lequel l'âme désire rompre avec le monde afin de vivre avec Dieu selon sa
Parole qui est vérité.
• Il est le don par lequel l'âme désire se soumettre et obéir aux lois, aux préceptes, aux com-
mandements et à la Parole de Dieu et de son Église.
Le don de crainte de Dieu est donc le don par lequel l'âme n'a qu'un seul désir, celui de plaire à
Dieu. Avec ces quelques explications, j'espère que vous comprendrez mieux ces versets
bibliques qui parlent de la crainte de Dieu.
Elle ne s'oppose pas nécessairement à la charité.
Charité, paix et joie à vous qui craignez le Christ Notre Sauveur !
Augustinius Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius |
Date de dernière mise à jour : 05/07/2021