Carême,
Le Carême est une des périodes les plus propices pour le jeûne. Or, le jeûne n'est pas seulement l'abstinence et la suppression de nourriture. Il est également et davantage encore, le refus de mal prier et le désir ardent de mieux prier. Or, mieux prier, c'est mieux sentir la profondeur des mots prononcés à haute voix ou dans son for intérieur. Cette profondeur est d'autant plus visible que le priant connaît le sens profond des mots de sa prière. Cette profondeur est d'autant plus efficace pour le priant qu'il s'abandonne dans les richesses divines dont la source même est l'Esprit-Saint, l'amour mutuel du Père et du Verbe. La prière par excellence est celle que nous a apprise notre Seigneur, le Pater Noster. Combien de fois récitons-nous cette prière mécaniquement, comme une routine se déroulant devant nous sans que nous prenions conscience de ce que nous disons. Nous ne ferons pas référence à de très longs commentaires (si sublimes !) de cette prière faites par certains (Saint Thomas d'Aquin, Mgr Gaume...) et nous nous contenterons de donner un petit commentaire donné par Saint Augustin. Il n'est ni un traité ni un abrégé de ce que donne Dieu, mais plutôt une invitation à approfondir chaque point donné dans cet amour divin. Petite indication : 1. les dons de l'Esprit-Saint 2. les demandes du Pater Noster 3. les béatitudes Ecoutons-le : "Le nombre de sept demandes dont se compose cette prière (Pater Noster) me paraît aussi se rapporter aux sept béatitudes d'où tout ce discours découle comme d'une source. 1. En effet, si c'est la crainte de Dieu qui rend heureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Mt 5,3+), demandons que le nom de Dieu soit sanctifié par cette crainte chaste qui demeure dans les siècles des siècles. 2. Si c'est la piété qui fait le bonheur de ceux qui sont doux, parce qu'ils possèderont la terre en héritage, demandons que son règne arrive, soit en nous pour nous communiquer cette douceur qui ne connaît point la résistance, soit du ciel sur la terre dans tout l'éclat de l'avènement du Seigneur, alors que le Sauveur nous comblera de joie et de gloire en nous disant : Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. (Mt 25,34). Car mon âme, a dit le Prophète, se glorifiera dans le Seigneur, que ceux qui ont le coeur doux m'entendent et partagent mon allégresse. (Ps 32,2) 3. Si c'est la science qui donne à ceux qui pleurent le secret du bonheur, parce qu'ils seront consolés, prions que sa volonté se fasse sur la terre comme au ciel, car lorsque le corps qui est figuré par la terre sera soumis à l'esprit que représente le ciel, dans une paix entière et parfaite, nous ne serons plus dans les larmes. En effet, quel autre sujet avons-nous ici-bas de nous attrister que la lutte du corps contre l'esprit qui nous force de nous écrier : Je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et à témoigner notre douleur par ce cri lamentable : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? (Rm 7,23-24) 4. Si c'est la force qui rend heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés, demandons à Dieu qu'il nous donne aujourd'hui notre pain de chaque jour, afin que, nourris et fortifiés de cet aliment céleste, nous puissions parvenir là où nous serons pleinement rassasiés. 5. Si c'est le conseil qui fait le bonheur de ceux qui sont miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde, remettons leurs dettes à ceux qui nous doivent, et prions-le de nous remettre à nous-mêmes ce que nous lui devons. 6. Si c'est l'intelligence qui rend heureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu, demandons à Dieu de ne pas entrer en tentation pour ne pas tomber dans la duplicité du coeur qui fait poursuivre les biens terrestres et périssables au lieu du bien simple qui devrait être la fin de toutes nos actions. En effet, les tentations qui prennent leur source dans les accidents que les hommes regardent comme d'insupportables calamités, ne pourront rien contre nous si nous avons su triompher de celles qui viennent des flatteuses séductions de ces choses où les hommes placent leur bonheur et leur joie. 7. Si c'est la sagesse qui rend heureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés les enfants de Dieu, prions qu'il nous délivre du mal, car cette délivrance nous établira dans la sainte liberté des enfants de Dieu et nous fera crier dans l'esprit d'adoption, Abba, Père. (Rm 8,16; Ga 4,6) N'oublions pas encore de remarquer que de toutes les formules de cette prière que le Seigneur nous a prescrite, il en est une qu'il a cru devoir nous recommander par-dessus tout, c'est celle qui a pour objet la rémission des péchés. Il veut ainsi nous former à la miséricorde comme l'unique moyen d'échapper à nos misères; en effet, dans aucune autre demande de cette prière, nous ne faisons avec Dieu une espèce de convention, en lui disant : Remettez-nous comme nous remettons. Si nous n'observons pas cette convention, nul fruit à espérer de notre prière. Car, dit le Sauveur, si vous remettez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous remettra aussi vos péchés. Mais si vous ne les remettez point aux hommes, votre Père céleste ne vous remettra pas non plus vos péchés. (Mt 6,14)" (S. Aug., Commentaire du sermon sur la montagne, Livre II, chap. XI, art. 38)
Augustinius Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021