Sacerdoce

   
 
   
 


(Homélie du Frère Jean-Philippe REVEL, le 18 mars 2002).

Accueil

Frères et sœurs, mardi dernier Monseigneur Louis-Marie Billé a quitté cette terre pour le Royaume de Dieu. Samedi, nous étions un certain nombre à Lyon pour participer à ses obsèques. Nous voulons aujourd'hui rassembler notre prière pour lui et avec lui auprès du Seigneur Jésus. Il a été notre archevêque, le père de tous les chrétiens de ce diocèse pendant trois ans. Il a été aussi le responsable de l'évangélisation dans ce diocèse, du ministère de l'annonce de la Parole par tous les prêtres et les diacres. Il a été aussi le père de notre fraternité monastique, notre supérieur. Pour toutes ces raisons, nous nous tournons vers le Seigneur pour Lui présenter son enfant, Louis-Marie, afin qu'il le reçoive dans sa tendresse et dans sa paix.

Homélie.

"Je sais en qui j'ai mis ma foi". Frères et sœurs, le premier mot de cette devise : "Je sais", un mot d'affirmation, de certitude, de connaissance, nous invite tout de suite à nous souvenir de cette caractéristique si évidente de la personnalité de Monseigneur Billé, cette intelligence aiguë, cette clarté de pensée et d'expression.

Combien de fois, ceux qui ont eu le privilège de travailler avec Monseigneur Billé, comme je l'ai fait moi-même pendant les trois ans de son épiscopat, au conseil épiscopal, combien de fois, ceux-là ont-ils remarqué ce don assez extraordinaire qu'il avait, après un débat plus ou moins difficile, après des discussions qui semblaient se perdre, de résumer d'un seul coup, en trois points, trois phrases d'une parfaite clarté, l'essentiel de ce qui avait été dit, ce qui méritait de rester, de demeurer après l'échange qui avait eu lieu. Une intelligence, claire, précise, lucide.

Mais bien plus que cela, je voudrais dire une intelligence fraternelle, car si vous avez eu l'occasion de parler avec lui, et ces derniers jours beaucoup ont pu en témoigner lors de conversations avec moi, vous avez certainement saisi à quel point il savait écouter.

Ecouter avec une attention profonde, avec une ouverture à la pensée de l'autre, sachant rendre intelligent celui avec qui il parlait.

Parler avec Monseigneur Billé, c'était découvrir en soi-même des pensées qu'on n'avait peut-être pas encore su trouver, et qui tout à coup entraient en vie, en mouvement.

Il était capable d'écouter ce que lui disait son interlocuteur, et de mettre en valeur ce à quoi lui-même n'avait peut-être pas encore pensé, d'accueillir la pensée de l'autre.

Oui, une intelligence fraternelle et chaleureuse.

Parler avec lui, c'était vraiment construire quelque chose et j'ai eu plusieurs fois l'occasion de me rendre compte que même sur des points, où au départ, on ne se trouvait peut-être pas entièrement d'accord, il savait entendre, et puis ruminer intérieurement un aspect qui ne lui était pas immédiatement évident, et qui cependant lui semblait apporter un élément vrai.

Une intelligence en quête de la vérité.

Une vérité qui n'était pas seulement ce qui lui plaisait, ce qu'il avait pensé tout seul, mais une vérité qu'il recherchait et qu'il découvrait et faisait vivre dans l'échange avec l'autre.
Une intelligence fraternelle, une intelligence ouverte, accueillante.

Ouverte à tous les problèmes les plus personnels, les plus humains, et aussi à tous les problèmes de la société, de l'Eglise.

Une intelligence véritablement moderne, à l'écoute des problèmes d'aujourd'hui, découvrant ce qui fait question, ce qui mérite d'être creusé, et qui appelle un regard attentif.

Si accueillant et ouvert à l'autre qu'était son esprit, Monseigneur Billé n'était pas pour autant influençable.

Son intelligence était courageuse, comme on le signalait dans un article récent à son sujet :"sachant dire oui, sachant dire non".

Une intelligence capable de se soumettre, à temps ou à contre temps, à la vérité.

Une intelligence du cœur, parce qu'une intelligence de la foi, tout illuminée intérieurement par ce mystère qu'il ne manifestait pas tellement en paroles de piété, mais en paroles d'exigence et de profondeur.

Pour illustrer cela, je voudrais vous lire cette très belle phrase qu'il a prononcée à la primatiale Saint Jean de Lyon, le 6 septembre 1998, donc peu après son arrivée et qui résume me semble-t-il à la fois cette ouverture, cette exigence, cette profondeur évangélique.

"Je souhaite, disait-il, que cette Eglise soit humaine. On pourrait dire : elle ne l'est que trop. Peut-être ! Mais ce n'est pas de cela que je parle. Elle est l'Eglise du Christ, de Celui en qui nous est donnée l'humanité de Dieu, de Celui en qui nous avons découvert que la manière la plus humaine d'aimer était une manière divine".

Voilà une phrase qui résume et concentre tous les axes essentiels de la pensée de Monseigneur Louis-Marie Billé, une attention à l'humanité, une ouverture à tout ce qui est humain, mais de cette humanité la plus profonde qui est l'humanité de Dieu, qui est l'humanité du cœur même de Dieu.
Je voudrais encore ajouter une note qui est sans doute l'explication la plus propre et le secret le plus intime de sa personnalité.

S'il était à la fois aussi ouvert et aussi exigeant, aussi accueillant et aussi objectif, c'est qu'il était profondément détaché de lui-même.

Sa référence n'était ni ses idées, ni sa personne, ni ses préférences, mais seulement la lumineuse vérité du Mystère de Dieu.

Frères et sœurs, nous avons eu le privilège d'avoir Monseigneur Billé comme évêque pendant trois ans.

Né en 1938, il était prêtre à vingt-quatre ans, évêque en 1984, à Laval d'abord, et onze ans après à Aix en Provence.

Il me semble que cet évêque jusque-là peu connu, nous avons eu la grâce de le faire comme éclater au grand jour, car sitôt archevêque d'Aix (1995), il a été président de la conférence épiscopale de France dès l'année suivante.

Nous n'avons pu le garder que pendant trois années, après quoi en 1998, il était appelé à Lyon.

Cette année en 2002, voici qu'il a quitté le siège de Lyon pour le siège du Paradis...

Après avoir été notre archevêque, le primat des Gaules, le président de la conférence épiscopale, cardinal de l'Eglise romaine, voilà que très vite, il nous a été enlevé.

Il est difficile de ne pas se poser la question, comme le faisait Monseigneur Ricard dans son homélie au jour des obsèques : pourquoi ?

Pourquoi cet évêque, un des plus grands évêques que nous ayons dans l'Eglise de France (personnellement, le plus grand évêque que j'ai rencontré et j'en ai rencontré quelques-uns dont certains assez intimement), pourquoi cet homme à soixante-quatre ans en pleine force de l'âge, lui qui normalement aurait dû tant apporter à l'Eglise de Lyon, à l'Eglise de France, à l'Eglise universelle, (il était l'un des dix plus jeunes cardinaux), pourquoi lui, justement, a-t-il quitté cette terre, ce ministère, cette oeuvre qui est l'œuvre de Dieu sur la terre ?

Je sais bien, ce n'est pas Dieu qui l'a rappelé à Lui comme on le dit parfois d'une façon un peu simpliste, Dieu "fait avec" comme nous, mais la Providence c'est d'écrire le livre du Salut avec les événements de l'histoire. Il faut donc qu'Il écrive le livre du Salut avec la mort de Monseigneur Billé. Pourquoi ?

Je ne vois pas d'autre explication que celle-ci :

s'il n'intervient plus dans l'histoire du peuple de Dieu sur la terre, c'est parce qu'il doit intervenir d'une autre manière, plus profonde, plus essentielle, dans le Royaume.

Spontanément, et je ne suis pas le seul à l'avoir fait (j'ai reçu quelques confidences de ce genre), spontanément ces jours-ci en pensant à cet événement, à cette mort, ce deuil, je me suis mis à le prier, à prier Louis-Marie Billé, non seulement pour l'Eglise et les grandes causes, mais aussi pour des intentions extrêmement personnelles qui me tiennent à cœur, comme on prie un saint.

Vous le savez, c'est l'Eglise qui décide de la canonisation de ceux qui nous ont quittés, mais vous savez aussi qu'il il y a une longue tradition dans l'Eglise de ce qu'on appelle la "vox populi" c'est-à-dire la voix du peuple chrétien.

La spontanéité du peuple chrétien précède en quelque sorte la décision officielle de l'Eglise et acclame quelqu'un en le reconnaissant comme un saint, un intercesseur auprès de Dieu.

Personnellement je n'hésite pas à dire :

saint Louis-Marie Billé, priez pour nous !

AMEN

"Je sais en qui j'ai mis ma foi".

Cette parole de Paul que nous venons d'entendre dans la deuxième épître à Timothée (1, 12), Monseigneur Louis-Marie Billé l'avait choisie comme devise épiscopale, et je pense qu'elle est un résumé et une synthèse de sa personnalité et de sa vie.

 

PS : J'espère que ce Frère d'Aix en Provence ne m'en voudra pas d'avoir mis son homélie elle est si belle ...trop belle pour ne pas laisser une trace pour le Père Billé notre ancien Evêque de Laval 53

 

 

 

 
 

 

   
   

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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