Vie Chrétienne III

   
 

 

 

Vie Chrétienne III

              

Gn 28,15 Et je serai ton gardien partout où tu iras, et je te ramènerai dans ce pays, et je ne te quitterai point, que je n'aie accompli tout ce que j'ai dit.
Dieu serait-il le gardien unique de Jacob au point de ne pas être gardien des autres hommes ? Puisque Dieu a choisi Jacob pour être le premier Israëlite, afin de séparer ce peuple des autres peuples pécheurs du monde, cela pourrait sembler juste que Dieu soit le gardien attitré de cet homme tandis que les autres hommes n'auraient pour gardien qu'un Ange, voire aucun Ange. La foi révèle une vérité autre, plus belle, plus profonde, plus amoureuse : Dieu est le gardien de Jacob en tant que Dieu a choisi un peuple. Jacob, comme tout homme, hérite de l'Amour de Dieu en recevant la compagnie invisible d'un Ange gardien durant toute sa vie terrestre. Mais puisque Dieu a choisi un homme pour être le principe d'un peuple qui doit répandre la Bonne Nouvelle dans le monde, il est juste que ce qui garde, c'est-à-dire protège et préserve, soit le principe même du peuple, Dieu lui-même. Dieu sera le gardien de plusieurs manières : 1. en protégeant cet homme des pièges du monde dont la fin est d'écarter cet homme de sa prédestination 2. en lui rappelant les vérités qu'il doit connaître et appliquer, pour lui-même, sa famille charnelle et sa famille spirituelle. 3. en gardant cet homme uni à Lui parce que Dieu est un Dieu jaloux (Ex 20,5 c'est moi qui suis le Seigneur ton Dieu fort, jaloux...), c'est-à-dire qu'Il ne veut donner à sa créature que le bien le plus parfait, Lui-même, et qu'il ne veut pas que sa créature s'éloigne de Lui pour rechercher un bien futile ou l'éloignant du vrai bien.
Puisque Dieu ne quittera point avant qu'il n'aie accompli tout ce qu'il aura dit, faut-il en conclure qu'ensuite, Dieu quittera Jacob ? Répondre par l'affirmative, c'est non seulement conclure que la vie en Jacob laisse la place à la mort mais que tout l'être de ce patriarche devient néant. Or il incombe à Dieu de ne pas détruire ce qu'il a créé ou construit. Le propos de Dieu s'entend qu'Il se retirera de cet homme une fois sa mission achevée. Mais parce que Dieu aime Jacob car Dieu ne peut pas ne pas aimer un homme à qui Il adresse de telles paroles, le retrait de Dieu ne laissera pas Dieu de continuer d'oeuvrer en lui, de le maintenir en vie, avant de la lui retirer pour conduire son âme dans la limbe patriarcale, dans l'attente du salut venant des Juifs, le Christ Jésus.
Gn 28,16
Quand Jacob fut éveillé de son sommeil, il dit : Vraiment le Seigneur est en ce lieu, et moi je ne le savais pas.
Dieu a parlé à Jacob à travers le songe. Le songe a porté un premier fruit : il éveille Jacob. Alors qu'il était dans l'obscurité, ne sachant pas d'une foi certaine que Dieu existe, le songe lui manifeste la réalité de Dieu dans l'univers. Cette réalité le réveille, au sens propre, parce que le jour doit suivre la nuit; au sens figuré, parce que le songe l'éclaire d'une réalité insoupçonnée : Dieu agit partout en ce monde.
Certains diront alors que puisque Dieu est partout en ce monde, il l'est aussi bien dans le chrétien que dans le non-chrétien, ou dans l'athée. Cela est vrai. Mais alors, pourquoi le baptême ? Après ce qui vient d'être dit, sert-il vraiment ? Rappelons comment Dieu est en tout homme, croyant ou non, chrétien ou non : 1. par sa puissance, puisque toutes les créatures sont soumises à son empire (Ps 102,19
Le Seigneur a établi son trône dans les cieux, et son empire s'étend sur toutes choses.) 2. par sa présence, puisque Dieu voit tout (Sg 1,7 l'Esprit du Seigneur sait tout ce qui se dit.) 3. par son essence, puisque Dieu agit partout (Sg 1,7 l'Esprit du Seigneur remplit l'univers et contient tout.) et partout il est la plénitude de l'être et la cause première de tout ce qu'il y a de réel dans les créatures, leur communiquant sans cesse non seulement le mouvement et la vie, mais l'être lui-même (Ac 17,28 C'est en lui en effet que nous avons la vie, le mouvement et l'être.).
Et qu'est-ce qui différencie le chrétien de l'homme qui n'est pas chrétien ? Dans le chrétien, il y a la grâce du Christ, les dons et les vertus théologales de l'Esprit-Saint.
Jacob reconnaît, éclairé par la lumière de Dieu qui est sortie de l'obscurité de son sommeil, que Dieu est présent là où il est. Il est présent dans ce que ses sens perçoivent et au-delà même. Jacob n'avait pas la foi - ce que nous appelons la foi juive et non pas la foi catholique - c'est-à-dire qu'il n'avait pas eu de manifestation visible de la présence de Dieu pour croire en son existence. Et parce que Dieu a choisi de se manifester à lui, non par la voie sensorielle, mais directement à son âme, afin que Jacob ne s'enorgueillisse pas d'avoir rencontré Dieu par ses propres forces mais plutôt à cause d'un don de Dieu, Dieu dépose en son âme la certitude ferme et définitive que Dieu est, qu'Il est partout, qu'on le veuille ou non, qu'on s'efforce même de le chasser.
Cette lumière éclairant son âme va transformer Jacob. Nous découvrons que la foi est une révélation personnelle et qu'elle n'a pas pour fin une connaissance intellectuelle. Elle doit susciter le culte de Dieu résultant de l'amour que Dieu a déposé dans le coeur de l'homme et qui doit d'abord avoir pour objet Dieu, puis la prédication, c'est-à-dire annoncer au monde que Dieu est vivant, qu'Il est là, en nous, près de nous, qu'Il veut se donner à nous. La foi catholique reprendra tout cela et ira même plus loin avec l'Evangile.
Gn 28,17
Et, saisi d'effroi : Qu'il est terrible, dit-il, ce lieu-ci ! Ce n'est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel.
La foi, don de Dieu, puisque son germe n'est pas fruit de la raison humaine mais don gratuit de Dieu, permet à Jacob de découvrir, outre la présence universelle du Créateur, mais que le lieu où il est saint. Cela permet-il au chrétien de tenir un tel propos, à savoir que là où il a rencontré Dieu, ce doit devenir un lieu sacré ? La réponse va de soi lorsque nous remettons toute personne dans son contexte. Le chrétien, aussi précieux soit-il à Dieu, n'est pas Jacob. La vocation de l'un n'est pas la vocation de l'autre même si leurs missions sont similaire.
Au sens propre, nous voyons Jacob vouloir construire un monument, un autel pour le culte de Dieu. Au sens figuré, nous découvrons que la manifestation de Dieu en l'homme fait de l'homme un temple de Dieu. Et puisque Dieu s'est manifesté à l'homme directement à son âme, c'est la fine pointe de l'âme qui est la porte du ciel. De là nous disons que le salut, à savoir la vie auprès de Dieu dans son royaume, est don de gratuit de Dieu, mais étroitement lié à la volonté de l'homme. L'élection et la vocation de l'homme sont intimement liées (II P 1,10
appliquez-vous davantage à rendre certaines par vos bonnes oeuvres votre vocation et votre élection), montrant la nécessité des oeuvres de la foi.
Gn 28,18
Se levant donc le matin, Jacob prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête, et l'érigea en monument, répandant de l'huile dessus.
Premier acte de Jacob : construire un monument.
La lumière a pris la place de l'obscurité, le jour a pris la place de la nuit, une nouvelle vie commence pour Jacob. Il a reçu de Dieu et choisit librement, usant ainsi de sa volonté, de se mettre en route :
se levant le matin.
Alors qu'avant de dormir, il avait pris une pierre (Gn 28,11
...il prit une des pierres qui étaient là...), choisi au hasard, afin que sa tête prenne appui, il réalise maintenant que ce choix de la pierre ne fut pas hasard. 1. Cette pierre est une pierre de scandale, c'est-à-dire qu'elle va être utilisée par Dieu, durant le songe de Jacob, pour faire tomber les barrières qui l'empêche de voir la lumière qui existe au-delà de toutes obscurités. 2. Cette pierre a permis le repos de la tête de l'homme qui dort. Désormais, elle va permettre l'action constructive de l'homme qui est en éveil et c'est pourquoi Jacob l'érigea en monument. 3. Cette pierre qui n'est rien à première vue n'est pas sans rappeler cette parole que prononcera Notre Seigneur : de ces pierres mêmes Dieu peut faire naître des enfants à Abraham (Mt 3,9). 4. Ce qui semble inutile ou petit aux yeux de l'homme malgré sa volonté peut devenir grand aux yeux de Dieu à cause de sa volonté. Cette pierre qui n'était rien va devenir la première pierre du monument dédié à Dieu. 5. Sans le savoir, Jacob a déposé cette pierre sous sa tête. Cette image figure la pierre blanche qui, assemblées à d'autres pierres blanches, sont unies sous la Tête : c'est l'Eglise, Corps formée de pierres blanches et Tête qui est le Christ.
Pour marquer visiblement que cette construction faite de main d'homme est pour Dieu et uniquement pour Dieu, Jacob use d'huile sainte la répandant sur son monument. Il manifeste visiblement ce qu'il a compris par la grâce de Dieu et qu'il est appelé à réaliser : l'Amour de Dieu révélé gratuitement à l'homme et la gratitude de l'homme envers Dieu. C'est la vertu de justice et la première vertu qui lui est annexe, la vertu de religion.
Gn 28,19
Et il appela du nom de Bethel la ville qui auparavant s'appelait Luza.
Deuxième acte de Jacob : renommer la ville.
Après avoir construit ce monument, Jacob décide de renommer cette ville, située dans le pays de Canaan, qui était probablement un hameau. Ce qui était Luza devient Bethel, maison de Dieu. Ce qui était n'est plus et ce qui est doit vivre et se fortifier.
Concernant le nom de Luza, il vient probablement de l'hébreu déformé oulam-luz qui signifie par contre Luz ou, plus précisément, portique d'amandiers puisque Luz est un amandier (Gn 30,37) et que Jacob pourra avoir utilisé l'huile des amandiers de ce hameau pour la répandre sur son monument.
Gn 28,20
Il voua aussi un voeu, disant : Si le Seigneur Dieu est avec moi, s'il me garde dans le chemin par lequel je marche, et me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour me couvrir,
Troisième acte de Jacob : exprimer un voeu.
Le
Si prononcé de Jacob ne signifie pas qu'il doute de l'existence de Dieu ou de l'action de Dieu envers lui, mais traduit un hébraïsme caché qu'il vaut mieux traduire par puisque. 1. Puisque Dieu est avec Jacob et le garde dans le chemin (Gn 28,15 et explications), 2. puisque Dieu lui donne du pain pour se nourrir - cela montre que la parole prononcée par le prêtre "toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes" est une erreur puisque la terre vient de Dieu, puisque l'homme vient de Dieu, puisque la volonté et le faire viennent de Dieu (Ph 2,13 c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir.) et non de l'homme - 3. puisque Dieu lui donne des vêtements pour se couvrir, alors Jacob reconnaît que le Seigneur est son Dieu absolument en tout.
Ces trois constats faits par ce saint patriarche se retrouveront plus tard dans la bouche de Saint Paul (Ac 17,28
C'est en lui en effet que nous avons la vie, le mouvement et l'être.).
Gn 28,21
Et que je ne retourne heureusement à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu;
La foi habitant tout l'être de Jacob contribue à faire naître en lui d'abord la charité. Nous l'avons vu dans les versets précédents. Jacob aime Dieu au point de l'adorer et cela se traduit par l'élévation d'un monument dédié au culte du vrai Dieu. Cet amour particulièrement fort et vivant lui révèle des réalités qu'il ne soupçonnait pas, non pas dans le Ciel mais directement sur terre : tout a été créé par Dieu et il doit tout à Dieu. Cet amour de charité est le premier fruit de l'Esprit-Saint.
Retourner heureusement à la maison de mon père signifie : 1. Au sens propre, Jacob veut manifester sa joie à ceux qui lui ont donné la vie. C'est le deuxième fruit de l'Esprit-Saint parce que celui qui se sent aimé parfaitement au point lui-même d'aimer l'Autre, ici Dieu, ne peut que vouloir partager sa joie à ses proches. 2. la maison de mon père peut avoir plusieurs sens : a. soit l'âme de Jacob, création et don de Dieu, totalement habitée par la joie, b. soit le monument qu'il a construit et la proximité avec ce monument de pierres renouvelle sa joie parfaite, c. soit le Ciel ou le royaume de Dieu où vivent les créatures dans une joie parfaite. Jacob aspire à vivre dans cette nouvelle joie pour toujours, auprès de Celui qui s'est amoureusement manifesté auprès de lui.
Jacob ne doute pas d'atteindre la fin de son voyage, que ce soit sur terre ou en vue du Ciel, mais l'hébraïsme de ce verset conduit tout droit vers le but ultime de la vie de l'homme : reconnaître le Seigneur comme Dieu. Dieu a aidé Jacob en lui révélant certaines vérités et en lui donnant l'impulsion nécessaire pour continuer d'avancer. Jésus fera de même lorsque l'Apôtre Saint Thomas demandera à voir pour croire, reconnaissant que le Seigneur Jésus est Dieu (Jn 20,28-29
Thomas lui répondit : "Mon Seigneur, et mon Dieu !" Jésus lui dit : "Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru."). Mais au moment de l'Evangile, la foi prend un autre tournant, ce qui a été l'objet d'un autre article.
Gn 28,22
Et cette pierre, que j'ai érigée en monument, sera appelée Maison de Dieu; et tout ce que vous m'aurez donné, Seigneur, je vous offrirai la dîme.
Le monument érigé par Jacob devient un lieu saint, un lieu de culte. Les Juifs construiront des synagogues et les catholiques des églises. Alors que certains chrétiens ne cessent de vouloir prouver l'inutilité de l'église comme monument, ils semblent oublier l'importance de ce lieu de culte et de rassemblement, aussi bien dans les Deux Testaments que durant les deux millénaires du christianisme.
Le monument est appelé
Maison de Dieu ou Bethel et montre que ce lieu n'est que pour Dieu, pour le culte que tout homme doit lui rendre et qu'aucune chose impure ne doit avoir sa place dans ce lieu. Il ne s'agit cependant pas de dire que puisque tout homme est pécheur, alors aucun homme ne peut siéger dans ce monument. Ce qui ne peut siéger dans le monument ce sont soit les objets toujours impurs et non sanctifiés, ou les personnes qui refusent de se convertir, ce verbe ne se prenant pas dans le sens de changer de religion comme nous l'entendons aujourd'hui, mais de se reconnaître pécheur, de vouloir changer sa conduite ou son mode de vie, de vouloir progresser dans le chemin de la pureté, non comme le monde le définit mais uniquement comme le vrai Dieu l'enseigne.
La gratitude est une vertu fille de la vertu de la justice et il est juste qu'elle soit citée ici en dernière place. En effet, touchant la vertu de justice, il y a plusieurs vertus filles expliquées par Saint-Thomas d'Aquin. En premier vient la vertu de religion qui fait que l'homme doit rendre un culte à Dieu son Créateur, dès qu'il le peut, le plus souvent possible et pour toujours. Aucun don de l'homme ne saura payer le don de la vie terrestre, le don de la grâce et le don de la vie sur terre, dons venant de Dieu, directement par Lui, ses parents ou son Fils unique Jésus-Christ. Ensuite vient la vertu de piété qui s'entend des rapports entre le croyant et ses parents et sa patrie. Puis la vertu de l'observance, par rapport aux hommes vertueux et aux élevés en dignité. Enfin, la vertu de gratitude qui fait que l'homme reconnaît les bienfaits particuliers, qui lui sont propres, après les bienfaits généraux. Et parce que Jacob connaît certaines vérités fondamentales et reconnaît certaines réalités inévitables, il est jute qu'il reconnaisse que c'est peu de chose que donner de ses propres bien pour le culte de Dieu :
tout ce que vous m'aurez donné, Seigneur, je vous offrirai la dîme.
Voici ici, dans ces versets bibliques, de quoi alimenter la connaissance de la vertu de justice, une des vertus importantes pour la vie chrétienne.

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius

 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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