Les X Commandements

 

 

Les X Commandements

 

 

Répondant au jeune riche demandant comment avoir la vie éternelle, Jésus ne cite que six des Dix commandements :

Mt 19,18-19 ...Tu ne tueras point; tu ne commettras point d'adultère; tu ne déroberas point; tu ne rendras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère, et aime ton prochain comme toi-même.
Mc 10,19 Tu connais les commandements : Ne commets point d'adultère; ne tue point; ne dérobe point; ne rends point de faux témoignage; ne fais point de fraude; honore ton père et ta mère.

Lc 18,20 Tu connais les commandements : Tu ne tueras point; tu ne commettras point d'adultère; tu ne porteras point faux témoignage; Honore ton père et ta mère.

Jésus ne cite pas les Dix commandements : au mieux, il en cite six. Est-ce à dire que quatre sont devenus inutiles ? Ou que Jésus les a oubliés ? Ou que l'auteur a oublié de les mentionner dans la bouche de Jésus ? Aucune de ces possibilités n'est à envisager.


Pour comprendre pourquoi Jésus ne cite que six commandements sur les Dix, il faut rappeler ceci :

1. Classons les Dix commandements :
   1-3. Les trois premiers commandements font partie de la vertu de religion, première annexe de la vertu de justice, et se rapportent uniquement à Dieu.
   4. Le quatrième commandement est la vertu de piété, annexe de la vertu de justice, et se rapporte aux parents et justifie sa place par le fait que si Dieu est principe universel de vie, les parents sont principe particulier de vie. De plus, qui n'honore pas ses parents, ne respectera ni son prochain ni lui-même. Par extension, cette vertu se rapporte aussi à la patrie.
   5-10. Les six derniers commandements se rapportent aux hommes et font aussi partie de la vertu de la justice, et nous les retrouvons dans la bouche de Jésus.

2. Ne citer que les six derniers commandements, ce n'est pas un oubli de Notre Seigneur mais un choix tout rempli de sagesse divine (Ex 20,12-17). Si l'homme ne fait pas preuve de justice envers les hommes, comment peut-il faire preuve de justice envers Dieu (I Jn 3,10-11 ...Quiconque ne pratique pas la justice n'est pas de Dieu...) ? Et puisque le Décalogue tire sa source de la justice divine et que la fin de tout commandement est la charité (I Tm 1,5 la fin du précepte est la charité), Jésus veut montrer ici que celui qui ne veut pas aimer son prochain, comment peut-il aimer Dieu ou affirmer qu'il aime Dieu ? Saint-Jean reprendra ce point doctrinal dans sa première épître : Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur (I Jn 4,20). Saint-Paul le dira en d'autres termes tout aussi forts : Ce ne sont pas, en effet, ceux qui écoutent une loi qui sont justes devant Dieu; mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront justifiés (Rm 2,13). Ainsi, les justifiés sont ceux qui deviennent justes, c'est-à-dire recevant la justice de Dieu en eux, gratuitement certes, mais parce que Dieu sait que ces justes vont pratiquer tous les commandements de Dieu.

3. Revenons à ce passage de l'Evangile. Jésus entend que le jeune homme riche suit les commandements et il s'en réjouit. Mais comme à son habitude, Jésus va plus loin et invite ce jeune homme à tout quitter, à tout vendre pour tout donner aux pauvres afin de se donner lui-même totalement au Christ. Le jeune homme n'est pas prêt à faire un tel sacrifice et part attristé. Pourquoi Jésus lui demande-t-il un tel sacrifice ? D'abord parce que cela aurait plu à Dieu et parce que la volonté divine était d'offrir à cet homme une perfection supérieure dans l'application des commandements, de parfaire sa vie dans les premiers commandements non cités ici mais sous-entendus, tout ceci en vue d'une place plus élevée dans la gloire de Dieu. Ce qu'aurait perdu ce jeune homme aurait été infiniment remboursé (II Co 4,17 La légère tribulation d'un moment produit en nous au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire.).

Or la perfection de toute chose dite ou donnée par Dieu revient à sa source même. En effet, nous savons que plus deux objets s'opposent mutuellement, plus ils s'éloignent; plus deux personnes se haïssent, plus elles se rejettent et s'éloignent; plus deux personnes s'aiment, plus elles se rapprochent, et ce rapprochement en Dieu donne une union parfaite au point que notre intelligence déclare : "Un seul Dieu mais trois personnes divines distinctes."

Et puisque Dieu est charité (I Jn 4,8), ce que propose Jésus à cet homme, ce n'est pas tant de souffrir à cause de la séparation entre ses biens et sa propre personne mais d'expérimenter une forme d'amour unique, la dilection, l'amour céleste, l'amour embrasé embrasant tout, en tout et partout. Nous retrouvons cela dans la troisième béatitude (Mt 5,5 Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés.). Cela montre combien l'attachement aux biens matériels ne permet pas à l'homme de posséder le royaume, c'est-à-dire que tant qu'il est esclave de la richesse, la porte du salut lui sera étroite et il ne pourra y passer avec tous ses trésors. Par contre, s'il s'en détache, il passera plus facilement la porte du salut et découvrira que les biens célestes sont d'une valeur infiniment plus élevée que ses propres richesses. Le programme proposé par le Christ à cet homme n'est pas seulement un sacrifice douloureux mais un total abandon, une invitation forte à suivre Notre Seigneur pour expérimenter la perfection des Dix commandements : aimer Dieu plus que tout et aimer son prochain comme Jésus nous aime (Mc 12,30-31 Tu aimeras donc le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et de toute ta force. Voilà le premier commandement. Le second est semblable à celui-là : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.; Jn 15,12-13 Ceci est mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grande dilection que de donner sa vie pour ses amis.).

Ces deux composantes de la charité ont pour source Dieu - le don gratuit et abondant de la grâce (Rm 3,24 Étant justifiés gratuitement par sa grâce.; Rm 8,33 C’est Dieu qui justifie.) - , pour moyen Dieu - la foi, la prière, l'amour du prochain, les saints sacrements - et pour fin Dieu - la gloire de Dieu - , ce qui donne une supériorité immense aux deux commandements de Jésus sur le Décalogue (Mt 5,17Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais parfaire.). Dans le Sermon sur la montagne, nous voyons déjà Jésus, outre le fait qu'il reproche aux Juifs leurs péchés et l'hypocrisie des Pharisiens, élever le Décalogue dans la charité, prouvant que la justice n'est pas une fin en soi mais un tremplin vers la charité. Saint-Paul expliquera longuement dans ses épîtres que la loi n'est plus, qu'elle ne justifie plus en elle-même étant donné que désormais, Jésus, par son Incarnation (Jn 3,16 Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique) par sa mort (Rm 5,9 Ayant été maintenant justifiés par son sang.) et sa résurrection, a gravé dans nos coeurs une nouvelle loi plus élevée (Rm 3,28 Nous concluons que l’homme est justifié par la foi.), plus simple mais plus exigeante : la loi d'amour, tout pour l'amour, à l'image de Dieu et pour la gloire de Dieu.

Ainsi, celui qui affirme aimer Dieu doit le prouver certes dans sa relation personnelle à Dieu mais surtout vis-à-vis de son prochain, en osant l'aimer, au-delà de tout intérêt personnel, comme Jésus l'aime également. Voilà pourquoi Jésus ne cite pas le Décalogue mais les six derniers commandements. Mais vivre seulement les six derniers commandements ne suffit pas à l'homme pour prouver qu'il aime ou désire l'aimer. Cela enseigne que les bonnes oeuvres réalisées envers notre prochain ne suffisent pas à assurer le salut de l'homme, contrairement à ce qu'on entend si souvent dans l'Eglise, vérité que Saint Paul développera avec une clarté éloquente et sublime dans sa première épître aux Corinthiens (ch. 13).

En ce temps de deuil, rappelons-nous que si l'abbé Pierre vécut intimement et discrètement les quatre premiers commandements du Décalogue, il prouva extérieurement son attachement à vivre les six derniers par son amour pour les démunis, les pauvres, les souffrants et les déshérités. Il fut un véritable homme de Dieu et si son oeuvre peut se retrouver aujourd'hui dans nombre d'associations, sa source de motivation - Dieu et l'amour pour Dieu et son prochain - lui donne un éclat qui n'existe pas chez un certain nombre de ses soi-disant "disciples". Mais là, c'est la porte vers un autre débat...


Pourquoi les évangiles synoptiques ne sont-ils pas d'accord entre eux ?

Il reste maintenant à comparer les évangiles synoptiques afin de comprendre pourquoi le nombre de commandements cité n'est pas le même :

1. chez Saint Matthieu, nous voyons cinq commandements plus un sixième, aimer son prochain comme soi-même.
2. chez Saint Marc, nous avons six commandements dont deux très proches, voler par abus et voler par surprise.
3. chez Saint Luc, nous avons quatre commandements.

Il y a un tronc commun chez ces trois auteurs que nous lisons chez Saint Luc :
1. ne point tuer
2. ne point commettre d'adultère
3. ne point porter de faux témoignage
4. honorer père et mère.

Les trois auteurs montrent la nécessité pour ces trois peuples, ou ces trois types de culture, d'appliquer ces quatre commandements. Nous disons encore aujourd'hui que la famille est le pilier d'une vie sociale équilibrée. Détruisez la famille et la société ne survivra pas. C'était déjà vrai il y a deux mille ans et même avant, à l'époque où Moshe reçoit le Décalogue. Et la vie de famille passe par le respect de ceux qui ont donné la vie : les parents.

Les autres commandements communs rappellent que ce qui était monnaie courante et contribuant aussi bien à la survie individuelle, qu'à l'expansion et à l'expression de l'ambition communautaire devait être condamné afin de respecter son prochain dans sa diversité et ses différences avec soi-même. Lorsque Moshe dit d'honorer père et mère afin d'avoir une vie plus longue sur terre (Ex 20,12 Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne.; Ep 6,2-3 honore ton père et ta mère afin que tu sois heureux et que tu vives longtemps sur la terre) mais c'est une figure de la vie éternelle (I Tm 4,8 la piété est utile à tout : ayant les promesses de la vie présente et de la vie future.).

Saint Marc ajoute le commandement sur l'interdiction de voler, faisant probablement allusion aux Romains qui n'hésitaient pas à piller et à voler pour conquérir des nouvelles terres, asseoir leur pouvoir sur les peuples conquis, assouvir leur soif de pouvoir et nourrir le pouvoir de Rome.

Enfin, Saint Matthieu ajoute en plus d'aimer son prochain comme soi-même, commandement propre au peuple Juif et qui faisait tant défaut dans sa pratique. Cet amour désintéressé n'est pas encore cité chez les deux autres auteurs mais le reste de leurs écrits montrera d'une manière éclatante la valeur immense d'un amour totalement désintéressé : la mort du Christ pour la rédemption d'un grand nombre (Mc 16,15-16 Allez par tout le monde et prêchez l'Evangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; Lc 24,46-47 il est écrit que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts le troisième jour, et que le repentir pour la rémission des péchés doit être prêché en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.)

Si la source semble commune à ces trois textes, certains auteurs ont retiré certains commandements en fonction du lectorat visé ce qui ne retire en rien la valeur de tel évangile synoptique par rapport aux deux autres.

Bien fraternellement dans le Christ,
votre dévoué saint Augustin

 

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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