Les Dons II

 

 

 

 

LES DONS II

 

 

La théologie latine et la théologie orthodoxe ne sont pas tout à fait d'accord entre elles, non qu'elles s'opposent mutuellement, mais elles se complètent :


Théologie   latine

Théologie   orthodoxe

définition

don de   l'Esprit

orgueil

philautie


  amour insensé de soi

crainte

envie

cénodoxie


  amour de la vaine gloire

piété

colère

colère


  débordement émotif de l'âme

science

paresse

acédie


  paresse associée à une certaine forme de tristesse

force

avarice

philargyrie
  pléonexie


  attachement à toutes formes de richesse
 
  volonté d'acquérir de nouveaux biens

conseil

gourmandise

gastrimargie
  laimargie


  recherche du plaisir du ventre par la quantité
 
  recherche du plaisir de la bouche par la qualité

entendement

luxure

luxure


  recherche des plaisirs charnels

sagesse


5. Explication des dons pris ensemble

Il y a maintes manières de parler des dons de l'Esprit-Saint.


a. Manière 1

La première manière vient du génial S. Thomas d'Aquin. Lorsqu'il explique les différentes vertus, il rappelle qu'elles ont pour but de faire agir l'homme en son nom propre. Mais ces vertus, aussi parfaites soient-elles, ne rendent pas l'homme parfait. Elles revêtent le chrétien d'un habit parfait mais ce qui est sous l'habit ne l'est pas encore. Or l'union entre le chrétien et le Christ ne trouve sa perfection que si tout ce qui est en l'homme est également en rapport avec la perfection du Christ. Comment l'homme peut-il devenir parfait ? Non par sa propre volonté, ses propres forces ou encore sa propre intelligence, mais simplement en étant un parfait disciple du Christ. Or cela ne peut se faire que par rapport à des actes proportionnés à cette fin. Et pour que le chrétien puisse produire de tels actes, il a besoin de qualités proportionnées à cette fin : ces qualités actives sont appelées dons de l'Esprit-Saint. Toutes ces qualités doivent faire agir l'homme par rapport à sa vie et son activité morale. Nous voyons que les dons de l'Esprit-Saint ont pour but d'aider le chrétien à produire des actes proportionnés à sa fin qui est sa sanctification auprès du Christ dans le royaume des cieux. Ces actes sont dits méritoires parce qu'ils contribuent non seulement au salut de l'âme mais à donner une place plus élevée auprès du Trône de Dieu.

Du côté de la raison, il y aura quatre dons :

1. le don d'intelligence disposant à pénétrer, sous l'action de l'Esprit-Saint, jusque dans l'intimité des vérités que la foi propose ou qui peuvent intéresser la vie morale surnaturelle de l'homme.

2. le don de sagesse disposant à juger avec une rectitude impeccable, sous l'action de l'Esprit-Saint, tout ce qui a trait aux choses divines.

3. le don de science disposant à juger de même tout ce qui a trait aux choses créées.

4. le don de conseildisposant à juger pareillement tout ce qui a trait à chacune des actions morales de l'homme devant être réalisées par lui.


Du côté de la partie affective, il y aura trois dons :

5. le don de piété, par rapport à tout se réfère aux autres.

6. le don de force, par rapport à tout ce qui regarde les périls à affronter et à mépriser.

7. le don de crainte, par rapport à tout ce qui regarde les faux plaisirs à ne pas suivre.

b. Manière 2

Nous pouvons associer les sept dons aux quatre vertus cardinales et aux trois vertus intellectuelles :

1. Le don de crainte est associé à la vertu morale de tempérance.

2. Le don de piété est associé à la vertu morale de justice.

3. Le don de science est associé à la vertu intellectuelle de science.

4. Le don de force est associé à la vertu morale de force.

5. Le don du conseil est associé à la vertu morale de prudence.

6. Le don de l'entendement est associé à la vertu intellectuelle de l'intelligence.

7. Le don de sagesse est associé à la vertu intellectuelle de la sagesse.

c. Manière 3

A chaque jour de la création du monde correspond un don du Saint-Esprit :

Jour 1 : don de crainte. Au premier jour apparaît la lumière qui figure le don de crainte par lequel l'homme commence à connaître Dieu efficacement selon cette parole du prophète : La crainte de Dieu est le principe de la sagesse (Pr 1,7).

Jour 2 : don de science. Au second jour se déploie le firmament qui sépare les eaux inférieures des eaux supérieures. C'est l'emblème du don de science qui nous apprend à discerner les doctrines vraies des doctrines fausses.

Jour 3 : don de piété. Au troisième jour a lieu la séparation des eaux et de la terre. La terre, montrant sa surface desséchée, se couvre de toutes sortes d'herbes et de plantes. C'est la vive image du don de piété. Séparé des eaux inférieures, c'est-à-dire des doctrines du mensonge, l'idolâtrie, la superstition, l'incrédulité, l'homme vivifié par le don de piété, honore le vrai Dieu et produit les fleurs des bons désirs, les herbes des saintes paroles, enfin les fruits excellents des œuvres de charité envers Dieu et envers le prochain.

Jour 4 : don de conseil. Au quatrième jour paraissent les deux grands luminaires, le soleil et la lune, accompagnés de myriades d'étoiles. On voit ici dans toute sa magnificence le don de conseil. Flambeau du jour, semblable au soleil, il éclaire tout le système du monde surnaturel; flambeau de la nuit, semblable à la lune, il éclaire tout le système du monde inférieur; semblable aux étoiles, qui, répandues dans toute l'étendue du firmament, en illuminent toutes les parties, il éclaire chacune de nos facultés et éclaire nos sens.

Jour 5 : don de force. Au cinquième jour, les poissons et les oiseaux prennent naissance du même élément. Les premiers vivent dans les eaux, les seconds dans les airs. La sagesse éternelle pouvait-elle mieux pré figurer le don de force ? Grâce à son efficacité, les bonnes résolutions naissent et se fortifient dans la tribulation; et les bonnes pensées volent vers Dieu, en brisant les résistances des démons, qui remplissent l'air dont nous sommes environnés.

Jour 6 : don d'entendement. Au sixième jour, a lieu la création des animaux et de l'homme, leur roi. Voici bien le don d'entendement. L'homme qui le possède connaît clairement sa double nature et l'apprécie. Il sait que la partie supérieure de lui-même doit dominer la partie inférieure.

Jour 7 : don de sagesse. Au septième jour, Dieu se repose et bénit ce jour. Telle est la figure parfaitement juste du don de sagesse, le plus noble de tous. Par lui, l'âme se repose délicieusement en Dieu. Dieu couronne l'œuvre de la création du monde matériel; c'est ainsi que par le septième don, le Saint-Esprit achève la création d'un monde plus noble, l'homme, son image et son enfant.

d. Manière 4

Petite indication :

1. les dons de l'Esprit-Saint

2. les demandes du Pater Noster

3. les béatitudes

Ecoutons S. Augustin : "Le nombre de sept demandes dont se compose cette prière (Pater Noster) me paraît aussi se rapporter aux sept béatitudes d'où tout ce discours découle comme d'une source.

1. En effet, si c'est la crainte de Dieu qui rend heureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Mt 5,3+), demandons que le nom de Dieu soit sanctifié par cette crainte chaste qui demeure dans les siècles des siècles.

2. Si c'est la piété qui fait le bonheur de ceux qui sont doux, parce qu'ils possèderont la terre en héritage, demandons que son règne arrive, soit en nous pour nous communiquer cette douceur qui ne connaît point la résistance, soit du ciel sur la terre dans tout l'éclat de l'avènement du Seigneur, alors que le Sauveur nous comblera de joie et de gloire en nous disant : Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. (Mt 25,34). Car mon âme, a dit le Prophète, se glorifiera dans le Seigneur, que ceux qui ont le cœur doux m'entendent et partagent mon allégresse. (Ps 32,2)

3. Si c'est la science qui donne à ceux qui pleurent le secret du bonheur, parce qu'ils seront consolés, prions que sa volonté se fasse sur la terre comme au ciel, car lorsque le corps qui est figuré par la terre sera soumis à l'esprit que représente le ciel, dans une paix entière et parfaite, nous ne serons plus dans les larmes. En effet, quel autre sujet avons-nous ici-bas de nous attrister que la lutte du corps contre l'esprit qui nous force de nous écrier : Je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et à témoigner notre douleur par ce cri lamentable : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? (Rm 7,23-24)

4. Si c'est la force qui rend heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés, demandons à Dieu qu'il nous donne aujourd'hui notre pain de chaque jour, afin que, nourris et fortifiés de cet aliment céleste, nous puissions parvenir là où nous serons pleinement rassasiés.

5. Si c'est le conseil qui fait le bonheur de ceux qui sont miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde, remettons leurs dettes à ceux qui nous doivent, et prions-le de nous remettre à nous-mêmes ce que nous lui devons.

6. Si c'est l'intelligence qui rend heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu, demandons à Dieu de ne pas entrer en tentation pour ne pas tomber dans la duplicité du cœur qui fait poursuivre les biens terrestres et périssables au lieu du bien simple qui devrait être la fin de toutes nos actions. En effet, les tentations qui prennent leur source dans les accidents que les hommes regardent comme d'insupportables calamités, ne pourront rien contre nous si nous avons su triompher de celles qui viennent des flatteuses séductions de ces choses où les hommes placent leur bonheur et leur joie.

7. Si c'est la sagesse qui rend heureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés les enfants de Dieu, prions qu'il nous délivre du mal, car cette délivrance nous établira dans la sainte liberté des enfants de Dieu et nous fera crier dans l'esprit d'adoption, Abba, Père. (Rm 8,16; Ga 4,6)

N'oublions pas encore de remarquer que de toutes les formules de cette prière que le Seigneur nous a prescrite, il en est une qu'il a cru devoir nous recommander par-dessus tout, c'est celle qui a pour objet la rémission des péchés. Il veut ainsi nous former à la miséricorde comme l'unique moyen d'échapper à nos misères; en effet, dans aucune autre demande de cette prière, nous ne faisons avec Dieu une espèce de convention, en lui disant : Remettez-nous comme nous remettons. Si nous n'observons pas cette convention, nul fruit à espérer de notre prière. Car, dit le Sauveur, si vous remettez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous remettra aussi vos péchés. Mais si vous ne les remettez point aux hommes, votre Père céleste ne vous remettra pas non plus vos péchés. (Mt 6,14)" (S. Aug., Commentaire du sermon sur la montagne, Livre II, chap. XI, art. 38)

e. Manière 5

Dans quel ordre les dons du Saint-Esprit sont-ils énumérés ? On trouve deux manières de les compter :

1.l'une descendante, qui commence par la sagesse et finit par la crainte;

2.l'autre ascendante, qui commence par la crainte et finit par la sagesse.

Lorsqu'il les répand sur Notre Seigneur, le Saint-Esprit nomme ses dons par ordre de dignité; sur nous, par ordre de nécessité. De Notre Seigneur, il est dit : Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Seigneur (Is 11,2). De nous, il est dit : La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse (Pr 1,7;9,10; etc.; Eccli 25,14 La crainte de Dieu s'élève au-dessus de toutes choses).

Pourquoi cette double échelle ?

Le Verbe incarné est la sagesse éternelle et le premier don communiqué à son âme est la sagesse. Par là, le Saint-Esprit a voulu montrer que cette humanité sainte, étant sans péché ni imperfection, participe de prime abord l'attribut suprême de la personne divine, à laquelle elle est unie. Le dernier don nommé par le Saint-Esprit, c'est la crainte. Le siège de la crainte est surtout dans la partie inférieure de l'âme, c'est-à-dire dans le point qui met Notre Seigneur en contact immédiat avec notre pauvre humanité. Et le Saint-Esprit a voulu nous apprendre que la crainte est le premier degré de l'échelle qui doit nous élever jusqu'à Dieu, la Sagesse infinie. Tel est l'ordre suivant lequel le Saint-Esprit se communique au Dieu-Homme, l'innocence même et le réparateur de l'innocence.

Quant à nous, nous recevons les dons du Saint-Esprit dans l'ordre inverse. Chargé de misère et de péchés, le premier sentiment que l'homme doit éprouver devant Dieu, c'est la crainte. Voilà pourquoi la crainte est le premier don qu'il reçoit, et la sagesse le dernier auquel il parvient. Dans le Verbe incarné, le Saint-Esprit, pour arriver jusqu'à nous, descend de la sagesse à la crainte, et, pour nous relever jusqu'à notre Frère aîné, il nous fait remonter de la crainte à la sagesse.

Et ailleurs, Isaïe commence par la sagesse et arrive à la crainte, descendant du sommet jusqu'à nous, afin de nous apprendre à monter. Il part du point où nous voulons parvenir et il parvient au point d'où nous devons commencer.

Dans la manière dont Isaïe parle du don de crainte en Notre Seigneur, l'abbé Rupert nous fait admirer la profonde condescendance du Verbe incarné, devenu le sauveur et le précepteur du genre humain. Voici ses paroles : "Le prophète dit : Et l'Esprit de la crainte du Seigneur le remplira. Il est digne de remarque qu'en parlant des six premiers dons, Isaïe dit constamment : Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur, l'Esprit de sagesse, l'Esprit d'intelligence, et ainsi de suite. Pourquoi, arrivé au septième, change-t-il le mot et dit-il : L'Esprit de crainte le remplira ? Comprenons le mystère : Dieu a voulu montrer à l'univers cet étonnant spectacle, le créateur de l'homme, le Dieu de l'éternité, descendant jusqu'au point duquel doit partir l'homme pécheur, pour sortir de l'abîme du vice et se délivrer des chaînes infernales du péché. En effet, le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. C'est jusque-là que le Créateur est descendu. L'Esprit de la crainte de Dieu le remplira, dit le prophète. Qu'il ait dit : Sur lui reposera l'Esprit de sagesse et d'intelligence, il n'y a rien d'étonnant. Toutes ces magnifiques qualités conviennent à la majesté d'un Dieu. Mais quel est l'ange ou l'homme qui ne soit pas stupéfait, en voyant le Seigneur descendre jusqu'à la crainte du Seigneur; le Maître souverain et redouté du ciel et de la terre, rempli de crainte, non pas en partie, mais pleinement et dans toute l'étendue que des hommes inspirés du Saint-Esprit peuvent donner du mot plénitude ?"

6. Quelques citations des Pères

"Par le nombre sept, les dons nous révèlent le Saint-Esprit qui, en descendant à nous, commence par la sagesse et finit par la crainte; tandis que nous, pour monter jusqu'à lui, nous commençons par la crainte et finissons par la sagesse; car la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse." (S. Aug.)


"C'est avec raison que la crainte de Dieu est appelée le commencement de la sagesse. En effet, Dieu commence à se faire goûter à l'âme, lorsqu'il lui apprend à craindre et non à savoir : car craindre, c'est goûter. Or, le goût rend sage, comme la science rend savant. Craignez-vous la justice et la puissance de Dieu ? vous goûtez Dieu juste et puissant. Sagesse vient de sauveur. Voilà pourquoi la crainte, commencement de la sagesse, répand dans les profondeurs de l'être, une saveur multiple qui régénère toute la famille intérieure de l'âme, purifie son royaume, le pacifie et le sanctifie." (S. Ber., Serm. 23)

L'affirmation du grand mystique est d'autant plus vraie que le don de crainte ne produit pas la crainte servile mais la crainte filiale : crainte respectueuse, résignée et confiante, semblable à celle de l'Homme-Dieu au jardin de Gethsémani.

"Les sept dons du Saint-Esprit sont les sept Esprits envoyés par toute la terre contre les sept Esprits mauvais dont parle l'Evangile. L'esprit de crainte chasse l'esprit d'orgueil. L'esprit de piété chasse l'esprit d'envie. L'esprit de science chasse l'esprit de colère. L'esprit de conseil chasse l'esprit d'avarice. L'esprit de force chasse l'esprit de paresse. L'esprit d'intelligence chasse l'esprit de gourmandise. L'esprit de sagesse chasse l'esprit de luxure." (S. Ant.)

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius

 
 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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