Dieu préfère

Dieu préfère

1) Avant la conception de Jésus
Dieu a toujours préféré attacher son regard et son Coeur vers les plus petits (I Jn 2,5 Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres en ce monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment ?; Ps 137,6 le Seigneur est élevé, et il regarde les choses basses; et les choses hautes, c'est de loin qu'il les connaît) et il a choisi Marie, la plus humble des femmes, il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante (Lc 1,48), celle de qui il peut dire le plus grand bien puisque bénie entre les femmes (Lc 1,28).
La vertu de l’humilité est associée au don de la crainte. Cette crainte consiste à fuir le péché et à être humble devant Dieu puisque l'homme ne peut rien par lui-même (II Co 3,5 Ce n'est pas que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes; mais notre aptitude vient de Dieu). Et puisque Marie a toujours été d’une grande humilité, elle n’a pas fui le péché occasionnellement ou seulement lorsque cela l’aurait arrangée, mais elle l’a fui en toutes occasions. Aussi, si Marie n'a pu pécher une seule fois, c'est qu'elle fut préservée du péché. Ce n'est point que sa volonté propre suffisait à rejeter toute tentation mais son abandon en Dieu était total et parce que le Verbe s'est totalement donné à elle, elle recevait sans cesse tout de Dieu, en particulier l'amour des choses saintes et la sainte haine des choses impures. Si cela est vrai durant la grossesse de Marie, comment peut-on dire la même chose avant la grossesse ? De même que Dieu a veillé à ce que la graine soit parfaite afin que le fruit devienne parfait, de même Dieu a veillé à ce que le terrain soit parfait afin que tous les ingrédients à cette perfection soient eux-même irréprochables. Marie est cette terre qui fut préparée dès sa conception afin d'être irréprochable, c'est-à-dire digne de recevoir la dignité de Dieu, sans la ternir à cause de sa nature humaine. Puisque Marie n'a pas péché, il n'y a pas lieu de parler de foyer de concupiscence en elle et puisque la concupiscence procède du péché originel, il est juste de dire que

Marie fut préservée du péché originel.
Si Marie avait été pécheresse, elle aurait alors été un temps esclave du démon comme tous les fils d'Adam (Rm 6,6 notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché; Rm 6,16-18). Si le Verbe était né d'une fille d'Adam, Satan se serait réjoui de voir le Fils de Dieu choisir une de ses esclaves pour s'unir à elle. Mais Dieu ne pouvait désirer se joindre totalement à une créature imparfaite, même purifiée ensuite, afin d'y vivre neuf mois dans ce Temple conçu pour recevoir le Verbe. Il fallut que Dieu créât une femme dont la dignité et la vertu furent à la hauteur de la dignité et de la vertu du Très-Haut. Cela n'est possible que si la conception de Marie fut faite naturellement dans la grâce de Dieu ou par une action unique et semblable à la conception de Jésus.

La conception de Marie ne peut être naturelle comme pour tout être : elle reste encore un mystère de Dieu.
L'argument Marie Immaculée Conception par anticipation est inexact car rien n'empêche d'appliquer cet argument à sainte Anne et à ses autres ascendantes : il faut le compléter. Dès sa conception, elle est sauvée non par anticipation, c'est-à-dire parce que Jésus, par amour, aurait voulu sauver sa Mère avant l'heure, mais parce qu'en venant tout en entier en elle - et le Verbe ne le fit qu'avec elle -, il lui a donné toute sa grâce dont la grâce rédemptrice afin de la rendre digne d'être le temple charnel du Verbe de Dieu. Si nous pouvons affirmer que Dieu s'est donné dans la chair de Marie, si nous rappelons que la perfection extérieure procède de la perfection intérieure, la perfection divine veut que Dieu se donnât en Marie d'abord en son âme, dans la partie la plus élevée de la nature humaine. L'âme de Marie fut créée en même temps que sa conception et puisque la chair de Marie n'a aucun lien avec le péché, il en fut de même pour son âme. De plus, ce qui sauve le monde, c'est le Sang précieux de Notre Seigneur crucifié sur la croix. Or Marie possède déjà ce sang puisqu'il deviendra sang du Christ, comme c'est le cas pour la chair. La chair et le sang de Marie sont sanctifiés dès sa conception par un privilège spécial de Dieu : le don absolu du Verbe. Voilà pourquoi Marie est Immaculée Conception.
Dieu fuit l'orgueilleux mais se donne à l'humble (Pr 29,23 L'humiliation suit le superbe, et la gloire accueillera l'humble d'esprit). Plus l'humilité est grande, plus Dieu se donne et plus il donne sa grâce. Il a fallu que l'humilité de Marie fût d'une humilité extrême pour qu'elle reçût la grâce dans sa plénitude. Aucun homme n'a reçu en lui Dieu comme Marie l'a reçu. Même les Anges ne possèdent pas la grâce divine dans cette plénitude puisque aucun d'entre eux n'a reçu le Verbe en lui comme Marie l'a reçu. Plus une créature reçoit de Dieu, plus grande est son humilité et plus élevée elle est dans la gloire de Dieu. Marie est plus humble que les Anges eux-mêmes, elle est sanctifiée au-dessus de tous les Anges : Marie est supérieure à toutes les créatures angéliques. Pourquoi ? Parce que si le Ciel est la demeure des Anges et des saints, Marie fut la demeure du Verbe qui surpasse infiniment en sainteté les Anges et les saints réunis. Et comme le plus petit des Anges est plus élevé que le plus grand des hommes, Marie est aussi plus élevée que tout homme.

Marie est la créature la plus sainte de l’univers et c’est pourquoi elle proclame que désormais toutes les générations la diront bienheureuse (Lc 1,48). Lorsque Marie dit cela devant sa cousine, c'est l'Esprit-Saint qui parle en elle. Aussi, lorsqu'un chrétien affirme qu'il n'y a aucune raison de considérer de manière particulière Marie, c'est rejeter cette prophétie de Marie par l'Esprit-Saint : c'est un blasphème contre l'Esprit-Saint.
2) La grossesse de Marie
Durant neuf mois, Marie a vécu dans une intimité unique avec le Verbe. Imaginez un instant communier sans interruption au Corps du Christ durant neuf mois ! Notre Seigneur lui a donné totalement sa grâce puisqu'il s'est totalement donné à elle. C'est d'autant plus vrai et plus fort que Marie est sa mère et qu'un fils aimant et respectueux ne refuse rien à sa mère : il donne tout ce qu'il peut pour elle, par amour d'elle. Ce don de l'amour en Marie a enflammé son Coeur Immaculé, récompensant son humilité exemplaire, préservant la virginité de ce corps de jeune femme - à l'image du buisson ardent brûlant mais ne se consumant pas ou à l'image de l'arche de Noé entourée d'eau mais ne coulant pas. Ayant tout reçu de Dieu par le Verbe, elle est en Dieu de façon unique et l'amour divin totalement donné ne lui fait désirer que les oeuvres de l'Esprit-Saint, que la volonté du Père, que le désir d'être toujours unie au Fils. Marie ne connaît pas les oeuvres de la chair, les fruits du péché, mais seulement les oeuvres de l'Esprit, les fruits de la grâce et la charité. Enflammée par ce feu divin qui agit en elle librement parce qu'elle le veut (Lc 1,38 qu'il me soit fait selon votre parole !), son amour pour Dieu est parfait au point qu'il n'existe en elle aucune ombre, aucun soupçon de haine vis-à-vis de son prochain puisque la charité fraternelle fait partie de la charité envers Dieu.

Marie aime Dieu et son amour pour l'humanité est à l'image de son amour pour Dieu.
Il est souvent dit que Dieu seul répand sa grâce selon sa volonté. Cela est vrai mais il n'empêche pas que Dieu se sert aussi de ses créatures afin d'élever d'autres créatures dans sa grâce. Mais Dieu n'est pas un marionnettiste : il laisse toute liberté à l'homme d'agir. Lorsque l'Archange Gabriel a quitté Marie et que Marie conçoit déjà Jésus, que fait-elle ? Sa charité et son humilité parfaites lui font désirer d'aller rendre visite à sa cousine Elisabeth (Lc 1,39-40). Lorsque Marie approche de sa cousine, le Verbe qui s'est déjà donné totalement à Marie envoie, par sa propre volonté, son Esprit dans le ventre de la cousine qui est déjà enceinte du futur Saint Jean le Baptiste. Marie, volontairement stérile par son voeu de virginité et Elisabeth, involontairement stérile à cause de son âge, forment un lien sublime : la volonté de Dieu passe de la perfection, de la jeunesse et de la volonté à l'imperfection, la vieillesse et l'impuissance. Par Marie (Lc 1,44 votre voix, lorsque vous m'avez saluée, n'a pas plus tôt frappé mes oreilles, que l'enfant a tressailli de joie dans mon sein), Dieu se donne en celui qui le précèdera et l'annoncera.

Marie est co-Médiatrice et co-Sanctificatrice.
Lorsque Elisabeth reçoit la visite de sa cousine Marie, mère de Jésus, que lui dit-elle ? Et d'où m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? (Lc 1,43) Or le Seigneur est Dieu (Jn 1,1;14), donc Elisabeth reconnaît

Marie Mère de Dieu.
3) Après la naissance de Jésus
Que s'est-il passé après la naissance de Jésus ? Les sciences nous font dire qu'une mère n'a plus tout à fait les mêmes liens avec son enfant, dès qu'il est sorti du sein de sa mère, parce qu'il n'y a plus cette union charnelle. Mais la foi nous révèle que Dieu ne reprend pas ce qu'il a donné à son enfant, à moins que ce dernier ne le veuille et l'exprime avec force. Puisque Marie a vécu intimement dans le Verbe durant neuf mois, elle a connu l'amour parfait, la joie parfaite, la charité parfaite et comme sa seule volonté a toujours été d'être soumise à Dieu, elle n'a jamais exprimé le désir de s'éloigner un seul instant de Dieu. Aussi, bien que séparée de corps à la naissance de Jésus en ce monde, Dieu est resté uni à sa Mère par sa grâce et sa charité :

tout Dieu en Marie, c'est toute Marie en Dieu. Avec la naissance de ce divin enfant, Marie n'a jamais cessé de recevoir tout de Dieu dans une plénitude parfaite. Et c'est parce qu'elle fut justement choisie pour être la

Mère de Dieu, qu'elle eut à combattre sans cesse contre Satan, plus que toute autre créature. Quel est le fils aimant grandement sa mère qui ne viendrait pas à son secours pour la défendre et la protéger ? Jésus, le Fils de Dieu, protège et préserve Marie de tout mal, lui donnant la force de ne pas succomber à la tentation, lui donnant la joie de louer le Seigneur dans les épreuves, malgré les larmes. Et parce que Marie, après la naissance de son fils, a continué d'adorer parfaitement Dieu et de craindre le Seigneur, le Fils a continué de se donner à elle en l'élevant toujours dans sa grâce. C'est pourquoi il est dit que Marie eut de grands combats et qu'elle en sortit toujours vainqueur par la grâce de son Fils et qu'elle ne cessa jamais de grandir en perfection et en grâce. La grâce augmentant, l'union entre la Mère et le Fils restant parfaite, c'est la charité qui grandit encore non dans le Fils puisqu'il est Dieu mais en Marie, envers son fils unique et envers Dieu.
4) La soumission du Fils à la Mère
Notre Seigneur connaît sa Mère et il l'aime au point de lui rester soumis (Lc 1,51 il leur était soumis). La soumission de la Mère envers son fils n'a d'égal que la soumission du Fils envers sa mère parce que Jésus n'est pas venu pour abroger la loi mais pour l'accomplir (Mt 5,17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais parfaire), c'est-à-dire pour la perfectionner. La perfection ne consiste pas à supprimer car un don de Dieu ne peut être imparfait mais à compléter, à élever ce qui était parfait en son temps et qui ne l'est plus aujourd'hui ou au regard du Fils. La perfection se prouve visiblement par le respect des commandements dont celui d'honorer son père et sa mère. Jésus, bien que Dieu, ne se soustrait pas à ce commandement parce qu'il est aussi Homme et que son amour particulier pour sa Mère est tel qu'il accepte librement de lui être soumis. Sinon, pourquoi alors Jésus aurait-il rappelé que Dieu a dit : Honore ton père et ta mère; et : Quiconque maudira son père ou sa mère, qu'il soit puni de mort (Mt 15,4) ? Un comble diront les rationnels : Dieu soumis à une jeune vierge ! Un mystère diront les chrétiens : la grandeur de l'amour infini de Dieu pour l'humanité se révèle dans la soumission de Dieu fait Homme envers la plus humble des créatures.
5) La vie cachée de Jésus et les révélations du Fils à la Mère
Jésus vit caché du public pendant trente années, mais il vit jour et nuit auprès de sa mère. Ces années ne furent pas des années remplies seulement de silence mais de partage, de joie, de labeur, de communion, de prière, d'adoration. Marie nourrit Jésus de son lait et de son miel. Jésus nourrit Marie de l'Ancien et du Nouveau Testaments. Avant l'heure, Marie sait ce qu'il l'attend (Lc 2,35 un glaive transpercera votre âme) et garde cela caché en elle comme objet de méditation et d'amour embrasé pour Dieu. Marie a, plus que toute autre créature, été dans le secret de la vie de son fils. Rien n'empêche de penser que Jésus révéla les mystères du Très-Haut ou les expliqua à sa Très Sainte Mère. Puisque Jésus était soumis à sa mère et que celle-ci fut toujours soumise à Dieu, tout ce qui était dit entre eux était gardé secret dans leurs Coeurs Jumeaux. Marie conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur (Lc 2,19). Les conservait-elle comme on conserve des photos en souvenir ou des objets qu'on aime ? Elle conservait les paroles de son fils comme le plus beau des trésors. Elle ruminait chaque parole de son divin fils afin que chaque mot devienne un diamant l'élevant toujours plus dans la grâce du Fils de Dieu. Elle méditait chaque parole et la grâce divine transformait en elle chaque méditation en adoration, en contemplation, en louanges, en actions de grâce. Puisque Jésus est la source de toutes grâces qui a coulé sur le monde d'abord par Marie, elle est la fontaine de grâces, celle par qui passe l'eau vive, cette eau qui étanche la soif sans jamais l'étancher et qui se répand dans le monde aux âmes de bonne volonté à cause de l'amour de Marie pour le monde et au nom de l'amour infini de Dieu pour le monde. Entre la Mère et le Fils, il y a communion d'esprits, jonctions des mains, fusion des Coeurs, dons et réceptions absolus. L'un se donne à l'autre tout entier, sans aucune retenue, avec un abandon total, dans une paix et une joie parfaites. Parce que le Puissant a fait de grandes choses (Lc 1,49) pour Marie en se donnant à elle comme jamais il ne le fera à une autre créature, il continue d'agir en elle, de lui révéler la force et la grandeur de son amour. Cette révélation passe entre autres par l'explication de l'Ecriture et de ce qui n'est pas encore écrit et qui le sera en partie plus tard. Au moins saint Luc et saint Jean rapporteront des mots de Marie dans leurs écrits bibliques.
6) La Passion du Christ
Cette charité croissante s'exprimera de la plus belle des manières au moment de la crucifixion de Notre Seigneur. Bien que souffrant terriblement à la vue des souffrances de son fils (Lc 2,35 un glaive transpercera votre âme), bien que souffrant dans sa chair comme le Christ a souffert dans sa chair puisque

la chair du Fils est la chair de la Mère et que

tout de Dieu passe par Marie, - puisque Dieu a donné son Fils unique (Jn 3,16 Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique) par les entrailles de Marie - elle ne criera pas vengeance ! mais miséricorde et justice pour le monde. Malgré les souffrances et les larmes, malgré le coeur et l'âme déchirés, Marie ne se contente pas de contempler les saintes plaies de son divin fils : par la foi, son Coeur est toujours en union parfaite avec le Coeur de Jésus, sa charité est alors plus grande que jamais et elle ne désire que le salut du monde, à l'image du Fils, puisque sa volonté est, plus que jamais, soumise à la volonté du Père. Par une action incessante de la grâce en elle, à cause de sa dévotion immense pour Dieu, de ses soins maternels pour son fils unique, Marie ne vit pas pour elle-même, comme le dira également saint Paul (Ga 2,20 ce n'est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi). Toute sa vie est pour Dieu et sa seule volonté est d'accomplir la volonté divine. Or Dieu veut le salut de ses enfants (Mt 18,14 n'est-ce pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux, qu'il ne se perde pas un seul de ces petits ?) ce qui est aussi la volonté de Marie. Voilà pourquoi Marie, dans son Coeur Immaculé, crie miséricorde et non vengeance.

La justice de Marie est la justice de Dieu. Lorsque nous communions au Corps du Christ, rappelons-nous aussi que nous communions au corps de la Très Sacrée Vierge Mère de Dieu (mais secondairement). Se rapprocher ainsi du Christ, c'est Lui permettre de nous rapprocher de sa divine Mère qui ne cesse de nous aider de nous rapprocher plus parfaitement de son fils unique malgré nos nombreuses imperfections et vélléités.
 II

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius