Haïr pour Aimer

 

 

 

 

Mt 10,34 Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je suis venu apporter, non la paix, mais le glaive.

Jésus n'est pas venu apporter une paix qui est celle de réconcilier les peuples afin qu'ils vivent en paix les uns à côté des autres. Une injustice ou une incompréhension diront certains. Une preuve de sa divine sagesse rétorqueront les chrétiens. Jésus n'est pas le Messie qui doit séparer ennemis par une sorte de réconciliation éphémère ou donner une terre à chaque peuple. Jésus, bien que Homme, est avant tout Dieu et son amour pour l'homme l'incline à vouloir lui donner une récompense non selon la chair et l'éphémère, mais selon l'esprit et l'éternité.
Et puisque Jésus n'est pas venu apporter cette paix que les Juifs espéraient en la personne d'un Messie libérateur de l'envahisseur romain, mais une paix toute différente, alors il faut conclure qu'il est venu non pas réconcilier les belligérants entre eux mais confirmer une certaine douleur. Puisque le royaume des cieux appartient à ceux qui recherchent la pureté de leurs pensées dans le but de toujours y vivre, et puisque l'homme n'est pas capable de se maintenir une fois pour toutes dans une vie remplie de pensées toutes pures, il est évident qu'il faut une intervention divine, un acte de Dieu fort et capable d'aider l'homme, de l'élever au-dessus et au-delà de toute attache, de tout vice, de tout objet le maintenant sur terre, le rattachant aux plaisirs du monde, obstruant son coeur et empêchant son esprit d'aspirer une fois pour toutes de vivre dans un monde de pureté qui est celui de Dieu. Le Père a envoyé son Fils unique dans le monde, non par amour du monde, c'est-à-dire des plaisirs et des vices du monde, mais par amour des hommes afin de le détacher de tout ce qui empêche l'homme de vivre un jour dans la vision béatifique du ciel. Mais cette séparation entre les biens de la terre et le bien du ciel ne peut se faire sans douleur. Comment le médecin peut-il retirer de la chair ces clous qui maintiennent le corps à la terre ? Par le fer brûlant, par la forte chaleur de ce fer qui font crier de douleur lors de la séparation, si bien que certains, durant cette atroce douleur, préfèreraient que tout s'arrête et se résigner à vivre encore attachés à la terre, plutôt que d'accepter cette douleur, cette tribulation éphémère, sachant pourtant qu'ensuite viendra un temps de gloire éternelle. Et comment détacher l'homme de la triple concupiscence, si ce n'est en laissant le Christ agir librement en nous, même si notre chair crie une sorte de pitié tout en donnant des motifs apparemment légitimes de ne pas chercher à vivre sans les vices de la chair et les plaisirs du monde. Quel homme accepterait de tout quitter en souffrant, de tirer un trait définitif sur ce qui réjouit son esprit et excite sa chair, afin de suivre le Christ sans jamais se retourner ? Ô quelle profonde douleur que ce détachement ! C'est comme enfoncer en sa chair un glaive qui la déchire et, comme par enchantement, semblerait se tourner en elle au fur et à mesure que nous combattrions pour fuir tout ce qui nous empêche de marcher toujours sur les pas de Notre Seigneur. Voilà le glaive de Dieu et non pas une arme terrible par laquelle Jésus voudrait nous menacer ou nous faire peur. Qui pourra encore dire que Jésus était pire qu'un soldat ? N'est-ce pas plutôt son amour qui doit trancher en nous afin de faire de supprimer la gangrène du mal et laisser ensuite toute place, toute liberté au bien divin ?
 

Mt 10,35Car je suis venu séparer le fils de son père, la fille de sa mère, et la bru de sa belle-mère; 

Certains diront encore qu'il est injuste de parler d'amour divin en Jésus puisqu'il dit avec fermeté qu'il veut séparer les membres d'une même famille. En réalité, selon ce qui vient d'être dit au sujet du précédent verset, il faut plutôt conclure que certains auront une volonté plus forte, une force plus élevée, une résignation plus courageuse d'accepter ce glaive qui détachera l'âme des liens de la terre, redonnant ainsi la pleine soumission du corps à l'âme, comme ce fut à l'origine, avant que Adam ne péchât. Mais combien sont prêts à accepter cela ? Le jeune riche qui demandait à Jésus comment devenir parfait, préféra ne pas tout quitter pour suivre Notre Seigneur. C'est pourquoi, certains, animés d'un amour très fort, accepteront de tout quitter pour Jésus, au point même de se fâcher avec leur famille. Ces conflits familiaux seront la preuve tangible de ce terrible combat de la chair contre l'esprit, de la chair esclave du démon contre l'esprit esclave de l'Esprit.
Pourquoi Saint Matthieu cite trois liens familiaux ? Pour rappeler cette perfection trinitaire issue de Dieu combattant la triple concupiscence issue de la chair. Et pourquoi ces liens, le fils de son père, la fille de sa mère et la bru de sa belle-mère
? Parce que le fils reçoit du père la capacité d'engendrer, la fille reçoit de la mère la capacité d'enfanter et la bru reçoit de la belle-mère la soumission et le respect dûs à son rang et son nouveau lien familial. L'auteur montre ainsi que le glaive, la foi en Jésus-Christ, engendre dans le monde un nouvel homme non pas selon la chair mais selon l'Esprit, enfante un nouvel enfant - un petit - non pas selon la chair mais selon l'Esprit tout en lui donnant les nobles sentiments de soumission et de respect que tout chrétien possède envers son Créateur, sentiments infiniment supérieurs à ceux qu'il possède envers ses géniteurs.
 

Mt 10,36et on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. 

Jésus vient apporter aux hommes le glaive qui vient séparer l'esprit de la chair, non pas en tuant la chair puisque celle-ci est support de l'esprit et destiné à être ressuscitée, mais en détachant les liens de la chair privant l'âme de son élévation à laquelle elle est destinée. Puisque Jésus apporte ce glaive, il semble qu'il est aussi concerné puisqu'il ne s'adresse pas seulement aux disciples : lui-même est concerné par ce glaive, non parce que son corps n'est pas soumis à son âme, mais parce que lui-même sera rejeté par sa famille, non pas celle de la chair, mais ses proches, comme Saint Pierre ou Juda. Combien de disciples vont l'abandonner, prétextant qu'il a perdu la raison en disant qu'il faut manger sa chair pour être sauvé ou naître de nouveau pour obtenir la vie ! 

Mt 10,37 Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi.

Celui qui met tout amour même filial ou charnel à la place du premier commandement n'est pas digne d'être considéré comme un véritable enfant de Dieu. En effet, la loi mosaïque comme la charité chrétienne commandent d'aimer d'abord et avant tout le Seigneur notre Dieu. Lorsqu'un Maître donne un enseignement, cet enseignement est de valeur nulle s'il n'est pas appliqué par le Maître lui-même. Or Jésus, même enfant, alla enseigner dans le Temple, afin de s'occuper des affaires de son Père, tandis que ses parents, tout naturellement, étaient inquiets et le cherchaient partout. Bien que aimant parfaitement et infiniment ses parents de chair, Jésus donna toujours la préférence à son adoration éternelle envers son Père et cela est justice.
 

Mt 10,38 Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. 

Prendre sa croix ne consiste pas à chercher à l'alourdir par amour du Christ ou à chercher à vouloir lui plaire en montrant qu'on est prêt à porter une croix plus lourde, mais à accepter de porter sa croix, c'est-à-dire la sienne et non une autre, même plus lourde, la sienne et non une croix alourdie. Car la volonté de Dieu pour soi est de porter la croix que Dieu demande de porter et offenser le Christ c'est s'opposer à sa volonté en voulant porter une autre croix. Voilà, comme pour le verset précédent, celui qui refuse de porter sa propre croix, quand bien même il porterait une croix qui n'est pas celle que Dieu veut pour lui, est justement considéré comme indigne aux yeux de Dieu.
 

Mt 10,39 Celui qui cherche à conserver sa vie, la perdra; et celui qui perd sa vie à cause de moi, la retrouvera.

Comment peut-on perdre à coup sûr sa vie même si on use de tous les moyens pour la conserver ? Et comment peut-on aussi à coup sûr retrouver la vie alors qu'on l'a perdue en voulant la perdre à cause du Christ ?
Celui qui use de sa volonté au dépend de la volonté de Dieu, quand bien même sa propre volonté lui semblerait juste, à savoir vouloir conserver sa vie, prend certainement le chemin qui lui fera perdre la vie, la vie éternelle. Quel est l'homme suffisamment "divin" qui pourra sauver sa vie par sa propre volonté ? Tout homme, même le plus puissant, qui usera de sa volonté contre la volonté de Dieu, recevra comme récompense de sa propre volonté, le néant. En effet, vouloir en dehors de la volonté de Dieu, sachant que sans Dieu, l'homme n'est que néant, c'est s'assurer comme récompense le néant, récompense unique et juste.
A l'opposé, celui qui accepte de perdre sa vie à cause du Christ, c'est-à-dire qui se soumet à la volonté de Dieu sachant que celle-ci lui fait perdre la vie ici-bas, alors Notre Seigneur le récompensera non pas en lui redonnant une vie identique ou une prolongation de sa vie, mais une vie nouvelle, une vie sans fin.
 

Mt 10,40Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé.

Comment un homme qui vous reçoit, peut-il considérer que son acte a autant de valeur que s'il recevait Jésus en personne ? Non pas parce que le chrétien, l'homme converti à la vraie foi et la pratiquant d'un coeur sincère, devient aussi élevé que le Christ devant Dieu. Mais, désormais le chrétien vit de la foi, c'est-à-dire de la grâce du Christ, don infini de Dieu pour le converti. Le chrétien est membre de l'Eglise qui est le Corps mystique du Christ. Aussi, recevoir un chrétien, c'est comme recevoir tout membre de l'Eglise. Et recevoir l'Eglise, c'est comme recevoir le Christ.
De la même manière, celui qui reçoit le Christ, reçoit le Père. Comment ces deux propositions sont-elles acceptables ? Recevoir un chrétien, c'est recevoir le Christ et recevoir le Christ, c'est recevoir le Père. L'amour de charité qui unit le Père et le Fils est le même amour qui unit le Fils avec le chrétien, et le même amour qui unit - doit unir - tous les chrétiens, formant une Eglise une et indivisible, unifiée par l'amour de charité, communiquant d'un chrétien à un autre par la vertu de l'Esprit-Saint, amour mutuel du Père et du Fils. C'est pourquoi celui qui reçoit le chrétien comme il se doit, c'est-à-dire recevant un enfant de Dieu, agit comme s'il recevait le Christ Enfant unique de Dieu. Et celui qui reçoit le Christ, reçoit non seulement le Christ mais également le Père puisque le Père et le Fils, bien que personnes divines distinctes, vivent éternellement en tant que Dieu unique.
 

Mt 10,41 Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra une récompense de prophète; et celui qui reçoit un juste en qualité de juste, recevra une récompense de juste.

Celui qui reçoit un homme selon sa qualité, recevra une récompense selon cette même qualité : prophète si le reçu est prophète, juste, si le reçu est juste. Dans la continuité du Sermon sur la montagne, le Christ élève l'esprit de l'homme non par des enseignements négatifs, soit en condamnant certains actes, soit en donnant négativement autant que ce qui a été donné négativement - comme la loi du talion - mais en exhortant l'homme non pas seulement à fuir le mal mais surtout à rechercher le bien. Jésus fait preuve d'une sagesse toute divine. Celui qui recherchera le bien, comment pourra-t-il persévérer dans sa recherche de mal ? A l'opposé, celui qui ne pensera qu'à donner selon une certaine justice, à savoir dent pour dent, oeil pour oeil, comment pourra-t-il penser agir pour la quête du bien absolu et à l'image du Christ Jésus ? Ainsi, bien que la fuite du mal soit un bien en soi, Jésus enseigne ici que la quête du bien est un bien encore plus grand, à rechercher avant tout. A quoi sert à l'homme de fuir le mal s'il ne cherche pas le bien ? Voilà ce qui doit naître aussi dans l'esprit du disciple. Nous devons fuir le mal et rechercher le bien et non pas nous contenter d'agir contre le mal en attendant passivement le bien. Le chrétien n'est pas celui qui est persuadé d'une chose mais qui agit pour donner vie à cette chose : oui au bien, non au mal.
 

Mt 10,42 Et quiconque donnera à boire seulement un verre d'eau fraîche à l'un de ces petits parce qu'il est disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense."

Jésus poursuit son enseignement. Après avoir montré le devoir d'aimer Dieu plus que tout et avant tout, il ajoute que cette adoration envers Dieu doit aussi se poursuivre par la charité fraternelle, aussi bien par la main tendue pour donner à boire à celui qui a soif, que par la parole d'enseignement à donner à celui qui a soif de la vérité en Jésus-Christ. Celui qui agira ainsi envers son prochain, comme un père agissant par amour envers son petit, peut-être recevra-t-il une parole ou un geste de remerciement de ce petit, le Christ ne le mentionne pas parce que là n'est pas ce qui doit motiver cet acte mais la charité fraternelle, mais ce qui est certain, c'est que cet acte ne passera pas inaperçu aux yeux de Dieu et que c'est Dieu qui récompensera, qui donnera à celui qui aura donné.
Bien fraternellement dans le Christ, votre dévoué saint Augustin

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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