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Communion I

   
 

 

 

CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES SUR LA COMMUNION DANS LA MAIN par le R. P. Paul J. McDonald, curé de paroisse St. Patrick's Church, 123 King Street Pt. Colborne (Ontario) L3K 4G3

Voici quelques considérations patristiques et historiques sur notre thème ainsi qu'un aspect supplémentaire.
 

Était-elle universelle?

 

On rapporte habituellement l'histoire de la communion dans la main de la façon suivante:
Depuis la Dernière Cène et au temps des apôtres, on distribuait naturellement la communion dans la main. Il en était également ainsi à l'époque des martyrs et cela s'est poursuivi durant l'âge d'or des Pères de la liturgie, après la paix de Constantin. On distribuait la communion aux fidèles de la façon dont on le fait maintenant (dans les secteurs plus ouverts et plus à la page de l'Église). Cette pratique s'est maintenue au moins jusqu'au dixième siècle. Telle fut donc la norme durant la moitié au moins de la vie de l'Église. On en trouve une preuve merveilleuse dans le texte de saint Cyrille de Jérusalem (313-386), dans lequel il conseille aux fidèles de former un trône de leurs mains pour y recevoir le Roi [dans la sainte Communion]. Ce Père de l'Église conseille également de prendre bien soin de tout fragment qui pourrait rester dans la main, car de même qu'on ne laisserait pas tomber sur le sol de la poussière d'or, il faut y veiller plus soigneusement encore lorsqu'il s'agit du Corps du Seigneur.
On pense généralement que le changement dans la manière de recevoir le pain consacré est survenu de la façon suivante: Au cours du Moyen Âge, sont apparues certaines distorsions dans la foi et dans l'approche de la foi qui se sont graduellement développées. Celles-ci incluaient une peur exagérée de Dieu et une préoccupation subséquente en ce qui concerne le péché, le jugement et le châtiment; une trop grande importance accordée à la divinité du Christ qui consistait virtuellement à nier, ou tout au moins à minimiser Son humanité sacrée; une exagération du rôle du prêtre dans la liturgie sacrée; et une perte du sens de la communauté qui constitue, en fait, ce qu'est l'Église. En particulier, en raison d'une importance excessive accordée à l'adoration du Christ dans la sainte Eucharistie et à une approche trop stricte en ce qui concerne les questions morales, la sainte communion était devenue de plus en plus rare. On considérait qu'il était suffisant de contempler l'hostie consacrée au moment de l'élévation. (En fait, cette pratique décadente de "l'élévation" [c'est ainsi que le courant de pensée dominant actuel continue d'interpréter cette époque] et la pratique également malsaine de l'exposition et de la bénédiction du saint sacrement ont pris naissance au cours de cette malheureuse période du Moyen Âge qui a donné lieu à des pratiques liturgiques dont nous ferions bien de nous débarrasser). C'est dans cette atmosphère et en raison de ces circonstances qu'on a commencé à restreindre la pratique de la communion dans la main. La pratique du prêtre qui dépose l'hostie consacrée directement dans la bouche du communiant s'est développée et, cela est triste à dire, a été imposée.
La conclusion est assez claire: nous devrions nous débarrasser de cette coutume qui trouve ses racines dans un âge d'ignorance. Nous devrions interdire, ou à tout le moins décourager cette pratique qui ne permet pas aux fidèles de "prendre et de manger" et revenir à la manière originale des Pères et des Apôtres de la communion dans la main. Voilà une histoire irrésistiblement convaincante. Elle n'est malheureusement pas vraie.
Le sacré Concile de Trente a déclaré que la coutume pour le prêtre qui célèbre la messe de se donner à lui-même la communion (de ses propres mains) et des laïcs de la recevoir du prêtre est une tradition apostolique. [1]. Un examen plus rigoureux des documents sur l'histoire de l'Église et des écrits des Pères ne justifie pas l'assertion selon laquelle la communion dans la main était une pratique universelle qui fut graduellement supplantée et finalement remplacée par la pratique de la communion sur la langue. Les faits semblent plutôt conduire à une conclusion différente. Déjà au Ve siècle, le Pape saint Léon le Grand (440-461) témoigne de cette pratique traditionnelle. Dans son commentaire sur le sixième chapitre de l'Évangile de Jean, il mentionne que la communion dans la bouche est d'un usage courant: On reçoit dans la bouche ce que l'on croit par la foi [2]. Le Pape ne parle pas comme s'il introduisait une nouveauté, mais comme s'il s'agissait d'un fait bien établi. Un siècle et demi plus tard, mais toujours trois siècles avant que la pratique (selon ce que nous lisons plus haut) ait été prétendument introduite, le Pape Grégoire le Grand (590-604) en est lui aussi le témoin. Dans ses dialogues (Romain 3, c. 3) il rapporte que le Pape saint Agapet accomplit un miracle durant la messe après avoir placé le Corps du Seigneur dans la bouche d'une personne. Jean le Diacre nous parle également de la manière dont ce Pape distribuait la sainte communion. Ces témoins remontent au cinquième et au sixième siècle. Comment peut-on raisonnablement affirmer que la communion dans la main était la pratique officielle qui s'est poursuivie jusqu'au dixième siècle? Comment peut-on affirmer que la communion sur la langue est une invention médiévale? Nous ne prétendons pas que jamais, en aucune circonstance, les fidèles n'ont reçu la communion dans la main. Mais dans quelles conditions cela se passait-il? Il semble bien que très tôt le prêtre plaçait habituellement l'hostie consacrée dans la bouche du communiant. Cependant, à l'époque des persécutions, lorsque la présence des prêtres fut rendue difficile et que les fidèles emportaient chez eux le sacrement, ils se donnaient à eux-mêmes la communion, de leurs propres mains. Autrement dit, plutôt que d'être totalement privés du Pain de Vie, ils pouvaient le recevoir de leurs propres mains, faute de quoi ils auraient été privés de cette nécessaire nourriture spirituelle. Il en était de même pour les moines qui s'étaient retirés au désert où ils ne disposaient pas des services d'un prêtre et ne voulaient pas abandonner la pratique de la communion quotidienne.
En résumé, il était permis de toucher l'hostie lorsque ne pas le faire signifiait se priver du sacrement. Mais lorsqu'un prêtre était présent, on ne recevait pas la communion dans la main. Saint Basile (330-379) dit clairement que recevoir la communion de ses propres mains n'est permis qu'en temps de persécution ou, comme dans le cas des moines au désert, lorsqu'il n'y a ni prêtre ni diacre pour la distribuer. Il n'est pas nécessaire de montrer que communier de sa propre main ne constitue par une faute grave en l'absence d'un prêtre ou d'un diacre (Lettre 93). Le texte laisse entendre que recevoir la communion dans la main en d'autres circonstances, hormis la persécution, représente une faute grave [3]. Le saint fonde son opinion sur la coutume des moines solitaires au désert, qui conservaient le saint sacrement dans leur demeure et qui, en l'absence du prêtre ou du diacre, se donnaient à eux-mêmes la communion. Dans son article intitulé "Communion" dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne, Leclerq déclare que la paix de Constantin mettait un terme à la pratique de la communion dans la main. Ceci réaffirme, en ce qui nous concerne, le raisonnement de saint Basile voulant que ce soit la persécution qui ait créé l'alternative entre recevoir la communion dans la main ou de ne pas la recevoir du tout. Lorsque les persécutions eurent cessé, il est évident que la pratique de la communion dans la main a persisté ici et là. Cela était considéré par les autorités de l'Église comme un abus dont il fallait se débarrasser, puisqu'on l'estimait contraire à la coutume des Apôtres. C'est ainsi que le Concile de Rouen, qui s'est réuni en 650, déclare : Ne mettez pas l'Eucharistie dans les mains d'un laïc ou d'une laïque, mais seulement dans leur bouche. Le Concile de Constantinople, connu sous le nom de concile in Trullo (un concile œcuménique qui ne s'est pas tenu ici), interdisait aux fidèles de se donner à eux-mêmes la communion (ce qui est évidemment le cas lorsque la particule consacrée est placée dans la main des communiants). Il décrétait une excommunication d'une semaine pour ceux qui feraient cela en présence d'un évêque, d'un prêtre ou d'un diacre.
Que penser de saint Cyrille? Évidemment, les promoteurs de la "communion dans la main" font généralement très peu mention des faits que nous venons de présenter. Ils font cependant grand usage du texte attribué à saint Cyrille de Jérusalem, contemporain de saint Basile au quatrième siècle. Henri Leclerq résume les faits comme suit: "Saint Cyrille de Jérusalem recommandait aux fidèles qu'en se présentant pour recevoir la communion, ils devraient avoir la main droite tendue, les doigts joints, soutenus par la main gauche, la paume légèrement concave; et au moment où le Corps du Christ serait déposé dans sa main, le communiant dirait: Amen." Le texte ne s'arrête toutefois pas là. Il poursuit en proposant ce qui suit: "Sanctifiez votre œil par le contact avec le Corps Sacré (...) Alors que vos lèvres sont encore humides, touchez vos lèvres et passez votre main sur vos yeux, votre front et vos autres sens pour les sanctifier." Cette recommandation plutôt bizarre (ou même superstitieuse? irrévérencieuse?) à amené les savants à s'interroger sur l'authenticité de ce texte. Certains pensent qu'il y a eu interpolation, ou que c'est en réalité le successeur du saint qui en est l'auteur. Il n'est pas impossible que ce texte soit réellement l'œuvre du Patriarche Jean qui a succédé à saint Cyrille de Jérusalem. Mais l'orthodoxie de ce Jean était suspecte. Nous le savons grâce à la correspondance échangée entre saint Épiphane, saint Jérôme et saint Augustin. Nous avons donc à l'appui de la communion dans la main un texte dont l'origine est douteuse et le contenu discutable. D'un autre côté, nous avons des témoins digne de foi, y compris deux grands papes, montrant que la pratique de placer l'hostie consacrée dans la bouche du communiant était habituelle et ordinaire au moins depuis le cinquième siècle. Cléricalisme? N'est-ce pas une forme de cléricalisme de permettre au prêtre de toucher l'hostie consacrée et d'interdire aux laïcs de faire la même chose? Mais les prêtres n'étaient autorisés à toucher le saint sacrement que par nécessité. En fait, en dehors du célébrant lui-même, personne, pas même un prêtre, ne pouvait recevoir la communion de ses propres mains. Ainsi, dans la pratique liturgique traditionnelle du rite romain, si un prêtre assistait à la messe (sans la célébrer) et désirait recevoir la sainte communion, il ne le faisait pas de ses propres mains: un autre prêtre la lui donnait sur la langue. Ce qui serait également vrai pour un évêque. Ce qui est vrai pour le Pape lui-même. Lorsque le Pape saint Pie X, par exemple, était sur son lit de mort, en août 1914, et que la sainte communion lui fut apportée en viatique, il ne lui a pas été permis de la recevoir dans la main; il la reçut sur la langue en conformité avec la loi et la pratique de l'Église catholique. Ce qui confirme un point fondamental: en signe de révérence, l'hostie consacrée ne devrait pas être touchée sans nécessité. Il est évidemment nécessaire que quelqu'un distribue le Pain de Vie. Mais il n'est pas nécessaire que chaque homme, chaque femme et chaque enfant se fasse son "ministre eucharistique" en multipliant les manipulations et les dangers de laisser tomber l'hostie et de perdre des parcelles. Même les mains de ceux qui ont été spécialement consacrés pour toucher la très sainte Eucharistie, c'est-à-dire les prêtres, ne devraient le faire sans nécessité.
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[1] sess. 13, c. 8: En ce qui concerne la réception du sacrement, il a toujours été la coutume de l'église de Dieu que les laïcs devraient recevoir la communion des prêtres; mais que les prêtres, lorsqu'ils célèbrent, devraient se communier eux-mêmes; laquelle coutume, nous venant de la tradition apostolique, devrait avec justice et raison être maintenue. In sacramentale autem sumptione semper in Ecclesia Dei mos fuit, ut laici a Sacerdotibus communionem acciperent; Sacerdotes autem celebrantes seipsos communicarent: qui mos, tamquam ex traditione Apostolica descendens, jure, ac merito retinere debet. [2] Hoc enim ore sumiter quod fide creditur. Serm. 91.3 [3] Tout comme si je disais que ce n'est pas une faute grave de manquer la messe un dimanche si l'on doit prendre soin d'un malade. Ceci implique (ce que nous savons déjà) que lorsqu'une pareille excuse n'existerait pas, il y aurait faute grave.

 

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OBJECTIONS VALIDES À LA COMMUNION DANS LA MAIN

Le temps est venu de commencer à faire tout ce que nous pouvons pour raisonnablement et licitement décourager la pratique de la communion dans la main. En fait, il y a longtemps que nous aurions dû commencer à le faire. Il vaut beaucoup mieux recevoir la communion de la façon traditionnelle que de recevoir l'hostie consacrée dans la main. Il est vrai qu'au Canada et aux États-Unis il est permis de la recevoir "sur la main", avec les précautions nécessaires, mais il est préférable de la recevoir sur la langue. Il y a pour cela douze raisons.
1. Le statut légal des deux méthodes. C'est une loi de l'Église universelle, dans le rite romain (auquel nous appartenons pour la plupart), de recevoir la communion de la manière traditionnelle. La recevoir dans la main n'est seulement qu'un "indult", c'est-à-dire une concession accordée ici et là. Elle n'existe pas dans la plus grande partie du monde. Par exemple, elle a été autorisée un certain temps aux Philippines, mais les évêques ont changé d'avis et sont revenus sur leur décision. Une autre façon d'illustrer le même point, c'est de se rappeler que dans les pays où l'indult de la communion dans la main a été accordé par le Saint-Siège, un évêque peut à lui seul interdire cette pratique. Mais aucun évêque n'est autorisé à interdire la façon traditionnelle de recevoir la communion: sur la langue. Ainsi, du point de vue de la loi liturgique, les deux sont loin d'être égales. On notera également que la législation en cause nous exhorte tous vigoureusement à recevoir la communion de la façon traditionnelle, laquelle est officiellement décrite comme étant "plus révérencieuse". On chercherait en vain un encouragement à recevoir la communion dans la main de la part de l'autorité suprême de l'Église. En vérité la seule fois où elle est mentionnée dans les documents officiels, c'est pour nous mettre en garde. Cela peut être fait de façon révérencieuse, mais faites attention! Cette pratique de recevoir la communion dans la main a été introduite dans certains pays. Elle a été demandée par des conférences épiscopales individuelles et a reçu l'approbation du Siège apostolique. Cependant, des cas de manque de respect déplorables envers les espèces eucharistiques ont été rapportés, des cas imputables non seulement aux individus qui s'en sont rendus coupables, mais également aux pasteurs de l'église qui n'ont pas été suffisamment vigilants en ce qui concerne l'attitude des fidèles envers l'Eucharistie. Il arrive également, à l'occasion, que le libre choix de ceux qui préfèrent continuer la pratique de recevoir la communion sur la langue n'est pas pris en considération dans les endroits où la distribution de la communion dans la main a été autorisée. Il est par conséquent difficile, dans le contexte de la présente lettre, de ne pas mentionner le triste phénomène auquel nous avons fait allusion précédemment. Ceci ne s'adresse évidemment d'aucune façon à ceux qui, dans les pays où cette pratique a été autorisée, reçoivent le Seigneur Jésus dans leur main avec une révérence et une dévotion profondes (Jean-Paul II, Dominicae Cenae, 11). Dans Memoriale Domini, qui accordait la concession originale, et dans la lettre aux nonces qui accompagnait dans chacun des cas l'indult lui-même, la permission de recevoir la communion dans la main était entourée de tant de précautions que certains en ont conclu que même dans les pays où cette pratique pourrait paraître légale, en réalité, dans la grande majorité des cas, elle n'est toujours pas autorisée.
2. Origine de la communion dans la main. L'origine de la pratique actuelle de la communion dans la main en chrétienté occidentale remonte à la révolution protestante, ou "Réforme". Certains diront que c'était la réintroduction d'une ancienne pratique universelle et vénérable. Nous examinerons cela plus bas. Mais même s'il s'agissait d'une ancienne pratique de l'Église catholique, sa réintroduction au seizième siècle n'était guère orthodoxe. Elle concrétisait plutôt la négation de la présence réelle enseignée par le Christ et son Église, et la réalité du sacerdoce catholique. C'était la conséquence liturgique d'une hérésie antérieure. On sait que la communion dans la main a commencé à se répandre dans des cercles hollandais au début des années soixante. Elle a donc commencé de la même manière que la pratique protestante, ou à tout le moins comme un "faux archéologisme": une idolâtrie des (prétendues) pratiques de l'Église des premiers temps. Elle impliquait l'oubli (ou le rejet!) du développement véritable de la doctrine catholique eucharistique d'une façon plus claire et plus explicite que jamais. Elle impliquait un rejet de ce qui nous avait de fait était transmis dans le développement organique de la liturgie. Et c'était un cas flagrant de défi et de désobéissance envers la loi de l'Église et l'autorité ecclésiastique. Le désir de cette pratique ne provenait ni de l'autorité suprême de l'Église, qui y était opposée, ni des rangs des fidèles du Christ (par définition, ceux-ci demeurent fermement attachés à la croyance en la transsubstantiation) qui n'ont jamais demandé cette pratique. Elle était souhaitée plutôt par une partie des cadres moyens de l'Église et d'un "establishment liturgique" en particulier. Et cela s'est fait d'une manière typiquement révolutionnaire. Lorsque le temps fut venu d'exercer des pressions en faveur de cette pratique en Amérique du Nord, les moyens utilisés n'ont pas été des plus honnêtes. En fait, il s'y est mêlé un certain degré de tromperie ou à tout le moins de "désinformation". Il est préférable de tirer le rideau sur certains détails sordides, mais une abondante documentation peut être fournie à quiconque voudrait contester que les choses ne se sont passées de cette façon. Nous pouvons résumer en disant que dans les temps modernes, la pratique de la communion dans la main trouve son origine dans l'hérésie et la désobéissance. Est-ce là ce que le Saint Esprit voudrait inspirer pour amener des changements liturgiques souhaités? Il est peut-être permis de penser qu'une différente sorte d'esprit était à l'œuvre.
3. Les fragments... Si nous examinons la pratique de placer l'hostie consacrée dans la main du communiant, un dogme de l'Église vient immédiatement à l'esprit: la présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration et demeure tant que subsistent les espèces eucharistiques. Le Christ est tout entier présent dans chacune des espèces et tout entier dans chacune de leurs parties, de sorte que la fraction du pain ne divise pas le Christ [Note 205: cf. Concile de Trente: DS 1641]. (CEC n. 1377). Le catéchisme romain nous dit : le Christ tout entier est contenu non seulement sous les deux espèces, mais également dans chacune des particules de chaque espèce. Chacune, dit saint Augustin, reçoit le Seigneur Jésus Christ, et Il est tout entier dans chacune des portions. Il n'est pas diminué pour être distribué au grand nombre, mais se donne Lui-même tout entier à chacun (...) le Corps de Notre Seigneur est contenu tout entier sous la plus petite particule de pain. Il faut par conséquent traiter ces fragments avec grande révérence, grand soin et grand respect. Si tel est le cas, pourquoi voudrions-nous multiplier immensément le nombre de personnes qui manipulent l'hostie consacrée, alors que certaines d'entre elles sont maladroites, ou ne voient pas très bien, ou sont indifférentes, ou ne savent pas, etc., etc. Pour ceux dont la foi est vivante, cette question devrait suffire à mettre un terme à la communion dans la main : "Et les fragments?
4. Qui encourage la communion dans la main? (On pourrait considérer que cet argument est entaché du sophisme de "culpabilité par association". Mais il n'est pas nécessairement faux.) Les personnes appartenant au courant de pensée actuel de l'establishment liturgique (et leurs disciples) qui encouragent la communion dans la main sont les mêmes qui, pour la plupart, éprouvent de la répugnance en général pour l'adoration du Seigneur dans la sainte Eucharistie et l'adoration perpétuelle en particulier. Une forte insistance sur le culte dû à la présence réelle du Christ Notre Seigneur dans la sainte communion n'est pas une caractéristique des liturgistes modernes. En vérité, ils vont même jusqu'à la décourager. Nous devons porter notre attention sur la communauté, disent-ils. En général, nous pouvons appliquer aux corrupteurs (conscients et inconscients) de la doctrine et de la pratique catholiques, en ce qui concerne la messe, les paroles de G. K. Chesterton: Ils sont coupables d'idolâtrer ce qui est intermédiaire pour oublier ce qui est fondamental. Eh bien, voilà les promoteurs de la communion dans la main. Ils éprouvent de l'aversion pour la manière traditionnelle de recevoir la communion et ils la découragent. Pour quelle raison?
5. L'expression "communion dans la main" n'est pas appropriée. On ne donne pas la sainte communion à une personne lorsqu'on place une hostie consacrée dans sa main. Le sacrement de la sainte communion consiste à manger du Pain de Vie. Chaque personne qui reçoit l'hostie consacrée dans sa main se donne plutôt à elle-même la sainte communion. Chaque personne devient son propre ministre (extraordinaire devenu ordinaire) de la communion. De cette façon, le ministère des prêtres (et des diacres) ou même celui des ministres extraordinaires légitimes de la sainte communion est rendu obscur, ou même évacué. On a suggéré que cette pratique devrait être rebaptisée "une auto-communication manuelle commune".
6. La communion dans la main est trop désinvolte. Quelle sorte de nourriture mangeons-nous avec les mains? Souvent, dans notre "culture", c'est un aliment auquel on ne prête guère attention. Nous mangeons du pop-corn avec les mains, machinalement, les yeux rivés sur l'écran. Nous avalons des amuse-gueule à une réception, tout en poursuivant la conversation. Particulièrement avec les enfants, mais pas seulement avec eux, il semble peu judicieux d'associer cette manière de manger avec la très sainte Eucharistie.
7. Ses fruits... Il nous faut être rigoureusement honnêtes avec nous-mêmes. Cette pratique a-t-elle réellement raffermi et clarifié notre foi dans la présence réelle? A-t-elle eu pour résultat une piété plus grande, un plus grand amour, une charité fraternelle plus abondante? Comme peuple de Dieu, sommes-nous de plus en plus remplis d'une crainte révérencielle en prenant le Corps du Christ dans nos mains? Il est au moins un fruit que l'introduction de cette pratique n'a pas donné et c'est aussi un trait de l'ensemble de la réforme liturgique en général: l'unité en a souffert. Il apparaît à l'auteur de ces lignes que la communion dans la main doit au moins prendre sa part du blâme pour le déclin parmi les catholiques de la croyance en la présence réelle.
8. Était-elle universelle? Pour montrer que la communion dans la main a déjà été une pratique universelle, on cite habituellement un texte en particulier de saint Cyrille d'Alexandrie selon lequel nous devrions faire de nos mains un trône pour y recevoir le Roi. Ce qu'on n'ajoute habituellement pas, cependant, c'est ce que tout chercheur sérieux en patristique vérifierait: ce texte est d'origine douteuse. En fait, il est plus vraisemblablement de l'évêque untel, qui serait un évêque nestorien. De plus, nous avons des textes de Léon le Grand... de Grégoire le Grand... de saint Basile... etc.
9. La dernière Cène. Mais les apôtres ont sûrement reçu la communion dans la main à la dernière Cène? On le présume habituellement. Cependant, même si cela était, nous voudrions faire remarquer que les apôtres étaient eux-mêmes prêtres, ou même évêques. Mais nous ne devons pas oublier une pratique de l'hospitalité au Moyen-Orient, qui avait cours à l'époque de Jésus et que l'on rencontre encore aujourd'hui: elle consiste à nourrir ses invités de ses propres mains en plaçant un morceau symbolique dans la bouche de l'invité. Et nous avons également de cela une preuve scripturaire: Notre Seigneur trempa un morceau de pain dans le vin et le donna à Judas. A-t-il déposé le morceau trempé dans la main de Judas? Cela serait un peu malpropre. N'a-t-il pas tendu à celui à qui il s'est adressé plus tard dans le jardin en l'appelant "Ami", le geste d'hospitalité dont nous venons de parler? Et dans ce cas, pourquoi pas avec la sainte communion, "se donnant Lui-même de Sa propre main".
10. Considérations scripturaires. Dans la sainte communion, nous recevons le Verbe fait chair. Lorsque Ézéchiel a reçu la parole de Dieu, d'une manière merveilleuse quoique inférieure à la nôtre, ce fut ainsi: Et [le Seigneur] me dit (...) "Et toi, fils d'homme, écoute ce que je vais te dire, ne sois pas rebelle comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche et mange ce que je vais te donner" Je regardai: une main était tendue vers moi, tenant un volume roulé. (...) J'ouvris la bouche et il me fit manger le volume, et il me dit: " Fils d'homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne." Je le mangeai et il fut dans ma bouche doux comme du miel. (Ez 2.1, 8, 9; 3.1-3). Il n'est pas écrit que le prophète tendit la main, mais qu'il ouvrit la bouche. Et n'est-ce pas ce qu'il convient de faire puisque nous allons recevoir la parole comme des petits enfants, que ce soit le pain de la doctrine ou le Pain qui descend du Ciel. A un autre endroit, dans un psaume ayant des accents prophétiques et eucharistiques évidents et qui est utilisé dans l'Office du Corpus Christi, le Seigneur nous dit : C'est moi le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait monter du pays d'Égypte. Ouvre grand la bouche et je la remplirai! (...) Il nourrirait Israël de fleur de froment, et de miel sauvage il le rassasierait. "Je la remplirai", et non "tu la rempliras toi-même". J'admets que cela ne constitue pas en soi une preuve. Mais, cela pointe dans une certaine direction.
11. Authentiques considérations interrituelles et œcuméniques. Lorsque nous jetons un regard sur le monde catholique et les vingt et un rites de l'Église véritable, nous devons nous poser la question, "Comment reçoivent-ils la communion?" Si l'auteur de ces lignes ne se trompe pas, ils ne reçoivent jamais, ou guère souvent, la communion dans la main. Et dans les rares circonstances où cela se produit, en des occasions particulières, ils la reçoivent de façon très différente en prenant grand soin de se purifier les deux mains avant et après. Nous devons de plus nous demander si une partie de la propagande en faveur de la communion dans la main, de la part de nos liturgistes modernes, n'est pas profondément offensante envers nos amis catholiques, comme lorsque la manière traditionnelle de recevoir la communion est qualifiée de "puérile". Et si nous regardons ceux de nos frères séparés qui partagent avec nous une croyance explicite et orthodoxe dans la sainte Eucharistie, nous devons nous demander: "Comment reçoivent-ils la communion?" Demandons-nous également si une véritable unité chrétienne est réellement promue par l'état actuel décadent de notre pratique eucharistique, dont une partie significative est de recevoir la communion dans la main.
12. Le Pape... et Mère Teresa de Calcutta. C'est un fait bien connu que le Saint-Père (Jean-Paul II) n'est pas un partisan de la communion dans la main. Dans sa Pologne natale, la pratique en est encore interdite, tout comme au niveau de l'Église universelle. Jusqu'à tout récemment, elle était également illégale à l'intérieur de la basilique Saint-Pierre. Toutes les sœurs de Mère Teresa sont unies à la fois dans leurs nombreuses heures de prière devant le saint sacrement tout comme dans la manière de recevoir la sainte communion sur la langue. Et personne n'a jamais contesté que lorsqu'on lui a demandé quel était son plus grand sujet d'inquiétude dans le monde, Mère Teresa a répondu: "La communion dans la main".
Conclusion. Saint Thomas d'Aquin nous rappelle que la révérence exige que seul ce qui a été consacré devrait toucher le saint sacrement. Par le baptême, le chrétien a été consacré pour recevoir le Seigneur dans la sainte communion, mais non pour distribuer l'hostie consacrée aux autres ou la toucher inutilement. Toucher les espèces consacrées et les distribuer de ses propres mains et un privilège réservé aux ordonnés, un privilège qui indique une participation active dans le ministère de l'Eucharistie (Dominicae Cenae, 11).

 

La dispensation du corps du Christ appartient au prêtre pour trois motifs.

 

1° Parce que, nous l'avons dit, c'est lui qui consacre en tenant la place du Christ. Or, c'est le Christ lui-même, comme il a consacré son corps à la Cène, qui l'a donné aux autres à manger. Donc, de même que la consécration du corps du Christ appartient au prêtre, de même c'est à lui qu'en appartient la dispensation.
2° Parce que le prêtre est établi intermédiaire entre Dieu et le peuple. Par conséquent, de même que c'est à lui qu'il appartient d'offrir à Dieu les dons du peuple, de même c'est à lui qu'il appartient de donner au peuple les dons sanctifiés par Dieu.
3° Parce que, par respect pour ce sacrement, il n'est touché par rien qui ne soit consacré : c'est pourquoi le corporal et le calice sont consacrés, et semblablement les mains du prêtre sont consacrées pour toucher ce sacrement. Aussi personne d'autre n'a le droit de le toucher, sinon en cas de nécessité, par exemple si le sacrement tombait à terre, ou dans un autre cas de nécessité.

Saint Thomas d'Aquin Somme théologique. IIIa Pars


Recevoir la communion dans des mains non consacrées

 

Un prêtre est venu chez moi et m'a dit: "Prie pour moi, j'endure de grandes souffrances." Et il a disparu sans pouvoir m'en dire plus. Dans la suite, une autre âme du Purgatoire m'a éclairée sur ce cas. "Il a beaucoup à souffrir parce qu'il a introduit la communion dans la main et a fait enlever les tables de communion. Ce qu'on pourrait faire de plus efficace pour le soulager, ce serait de remettre les tables saintes là où il les a fait enlever, et que ceux qu'il a ainsi entraînés à le faire ne communient plus dans la main." J'ai dit la chose au doyen que cela concernait. Il s'est montré compréhensif, et m'a dit: "Je n'ai pas introduit la communion dans la main. Pour ce qui est des tables de communion, tout ce que je puis faire, c'est d'essayer d'obtenir qu'on se conforme à ce désir; mais sur ce point, je dois laisser décider le curé de l'endroit."
Deux fois déjà un prêtre est venu se plaindre. À la troisième rencontre il se plaint d'avoir durement à souffrir parce qu'il a enlevé la table de communion de l'église, et forcé le peuple à recevoir la communion debout. Il y a là, nous le voyons, quelque chose qui n'est pas en règle. Le pape a bien permis que l'on reçoive la communion debout, mais quiconque voudrait communier à genoux doit avoir la possibilité de recevoir la Sainte communion à genoux à la table sainte. C'est cela que veut le pape, et nous pouvons le demander de tout prêtre.
Si un prêtre ou un évêque savait quelle responsabilité il encourt en introduisant la communion dans la main, il n'y aurait, sur-le-champ, plus de communion donnée ou reçue dans la main.
Voici maintenant une question que l'on me pose partout. La chose est claire, mais en cette époque moderne, les commandements de Dieu ne se laisse pas moderniser. Ces commandements sont une partie intégrante de l'enseignement de la religion. Qu'on rejette donc ce "catéchisme hollandais", qui met en question ou passe sous silence d'importantes vérités de foi, et qu'on achète l'ancien catéchisme, comme en Suisse, où l'on en fait imprimer des milliers, pour qu'on puisse de nouveau instruire les enfants d'une manière juste et sûre. Si le prêtre ou le catéchiste ne le fait pas, que les parents le fassent. (Elle fait ici allusion à "Anton Schraner, Catéchisme catholique", Christiana-Verlag.)
Les âmes du Purgatoire m'ont dit, Maria Simma, Éditions Christiana, p. 86-7.
 
Ce que dit le Concile Vatican II à propos des révélations divines
 
En outre, le même Esprit-Saint non seulement sanctifie le Peuple de Dieu, le conduit et l'orne de vertus au moyen des sacrements et des ministères mais, "en distribuant à chacun ses dons comme il lui plaît" (I Cor. 12, 11), il dispense également, parmi les fidèles de tout ordre, des grâces spéciales qui les habilitent à assumer des activités et des services divers, utiles au renouvellement et à l'expansion de l'Église, suivant ces paroles: "A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun" (I Cor. 12, 7). Ces charismes, qu'ils soient extraordinaires ou plus simples et plus répandus, sont ordonnés et adaptés d'abord aux besoins de l'Église: ils doivent donc être accueillis avec gratitude et joie spirituelle. Cependant, il ne faut pas demander imprudemment les dons extraordinaires, pas plus qu'il ne faut en attendre présomptueusement les fruits des travaux apostoliques. C'est à l'autorité ecclésiastique qu'il appartient de juger de l'authenticité et de la mise en œuvre de ces dons; et c'est aussi à elle qu'il appartient spécialement de ne pas éteindre l'Esprit, mais de tout examiner et de retenir ce qui est bon (cf. I Thess. 5, 12 et 19-21).
(Constitution dogmatique "Lumen Gentium", no 12)


 

LES RÉACTIONS QUI FONT OBSTACLE À LA RÉFORME LITURGIQUE

 

Conférence de S. Ém. le cardinal Lercaro

La communion dans la main serait, selon certains, "dans l'esprit de Vatican II". On ne peut que s'étonner alors de lire ces réflexions du cardinal Lercaro, président du Consilium pour l'application de la constitution sur la liturgie, dans une conférence prononcée le 1er mars 1965, à la veille de l'application de la réforme de la liturgie.
 
Parlons maintenant d'un autre genre de réaction qui, au-delà de la réforme partielle qui entre en application le 7 mars, concerne toute la réforme liturgique et même l'activité liturgique de l'Église.
A première vue, ce genre de réaction est positif, car il accueille les réformes introduites ou s'applique à un travail d'étude. Nous le jugeons cependant négatif car il a tendance à aller trop loin, à supplanter l'autorité de l'Église et, en quelque sorte, à lui forcer la main.
Cette forme de réaction se manifeste d'une façon sporadique un peu partout. Du fait que l'Église, par le travail réfléchi du Concile et des organismes compétents et autorisés, a entrepris de réviser et de retoucher les rites sacrés afin que les fidèles puissent plus facilement y participer d'une façon consciente et active, et que l'action pastorale soit rendue par là plus efficace, on dirait que des individus et des groupes -- avec d'excellentes intentions, certes, mais non sans prétention -- se sont sentis appelés à introduire de leur propre arbitre des nouveautés qu'ils estiment opportunes du point de vue pastoral. C'est ainsi qu'à travers le monde, on a vu certains réciter tout le canon à haute voix, d'autres le réciter avec le peuple dans la langue du pays. Ailleurs, on distribue la communion en déposant l'hostie entre les mains ouvertes des fidèles, etc. [c'est nous qui soulignons]
On pourrait penser que des fantaisies de ce genre, lorsqu'il s'agit de cas isolés, sont dues à un manque d'équilibre. Mais que penser lorsqu'elles deviennent des phénomènes collectifs, des orientations prises par des groupes ou des communautés ?
Dans un cas comme dans l'autre, elles sont déplorables, ne serait-ce que parce qu'elles créent des divisions là où l'unité devrait se manifester également d'une façon extérieure.
Mais ce qui est le plus pénible, c'est qu'on érige en théorie, en lui cherchant des justifications doctrinales, le fait de supplanter l'autorité de l'Église et de lui substituer des interprétations émanant d'individus ou de groupes.
LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, No 1445, 4 avril 1965, p. 614 s.


 

LES ERREURS ACTUELLES CONTRE L'EUCHARISTIE

 
Les erreurs actuelles concernant la Sainte Eucharistie découlent toutes du protestantisme. Elles culminent dans le modernisme qui, en tant que "confluent de toutes les hérésies", vide tous les mystères de la foi catholique de leur contenu surnaturel. Les sacrements deviennent alors de purs symboles qui servent à une expérience religieuse personnelle.
C'est ainsi qu'au sujet de l'Eucharistie, le modernisme rejoint la position généralement adoptée par les chrétiens réformés (Zwingliens et Calvinistes). Dans la perspective moderniste, la présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie n'est pas réelle au sens qu'elle contiendrait son vrai corps et son vrai sang, mais seulement dans le sens que le corps et le sang du Christ y sont réellement signifiés. À la messe, il ne se produit pas de transsubstantiation mais plutôt une transsignification, c'est-à-dire un changement de signification d'une nourriture matérielle que la foi fait percevoir et goûter comme une nourriture spirituelle.
Que les erreurs protestantes concernant la présence réelle et substantielle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie aient pénétré, à différents degrés, à l'intérieur même de certains milieux catholiques aujourd'hui, cela ne requiert pas de grande démonstration, puisque le Saint-Père Jean-Paul II a déploré plusieurs fois un état d'esprit, au sein du peuple de Dieu, témoignant d'une perte notable du sens de l'adoration. Et si beaucoup de fidèles n'ont plus le sens de l'adoration, c'est qu'ils ont plus ou moins perdu le sens même de Dieu, et par suite le sens du mystère. On veut tout comprendre et tout expliquer. Comme il est impossible à notre faible raison de comprendre un mystère aussi élevé que celui de l'Eucharistie, on tend à l'évacuer et à n'en conserver que l'écorce symbolique.
La foi en la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, qui se manifeste par le respect et la dévotion au Saint-Sacrement, est évidemment à la baisse actuellement au sein de l'Église catholique. Bien des fidèles ne semblent plus conscients que Jésus-Christ est présent dans l'Eucharistie avec son corps, son sang, son âme et sa divinité et donc que s'approcher de l'Eucharistie, c'est s'approcher du Dieu trois fois saint.
Les signes de cette inconscience de la grandeur du mystère eucharistique concernent à la fois les dispositions intérieures et extérieures des fidèles, qui apparaissent sérieusement déficientes. Que les dispositions intérieures d'un bon nombre de communiants soient déficientes, il est permis de s'en faire une assez juste appréciation lorsque l'on connaît objectivement leur situation et leur façon de vivre habituelle. Il ne s'agit pas ici de juger les personnes, mais uniquement de faire une constatation de fait à partir d'une information objective. La foi, telle que l'Église l'entend et l'état de grâce ne demeurent-ils pas absolument nécessaires pour communier dignement au corps et au sang du Christ?
Au plan des dispositions extérieures, ce qui saute aux yeux, c'est malheureusement la désinvolture et le manque de respect avec lesquels plusieurs s'approchent de la Sainte Eucharistie. Hélas! le respect et la dévotion à l'égard du Saint Sacrement ne sont sûrement pas favorisés, du moins en général, par la pratique de la communion dans la main, abolie par l'Église durant plus de douze siècles à cause des graves abus auxquels elle avait donné lieu. Nous savons que dès le début du VIIe siècle, le pape saint Grégoire le Grand, abandonnant la communion dans la main, distribuait à Rome, la communion sur la langue, pour éviter que le Corps du Seigneur ne soit profané, fût-ce involontairement.
Il restera toujours vrai que la plus grande dévotion de l'Église se traduit par le respect de l'Eucharistie. Rendre au Dieu trois fois saint le respect qui lui est dû, le Docteur subtil (le bienheureux Duns Scot) y voyait un motif de la présence réelle de Jésus-Christ dans le Saint Sacrement et il a écrit ces paroles remarquables: "Toute la dévotion qu'il y a dans l'Église consiste dans le respect à l'égard de ce sacrement". (In 4, dist 8,9.1)
Abbé J.-Réal Bleau
 

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DE CERTAINS ABUS ACTUELS DANS LE CULTE EUCHARISTIQUE

JEAN-PAUL II, DÉFENSEUR DU RESPECT DÛ A JÉSUS-EUCHARISTIE

 
Dans sa lettre "Dominicae Caenae" à tous les évêques de l'Église sur le mystère et le culte de la Sainte Eucharistie, pour le jeudi saint 1980, S.S. Jean-Paul II indique clairement deux graves déficiences qui apparaissent actuellement dans le culte eucharistique. Ces deux graves déficiences sont connexes. La première, qui s'enracine dans l'inconscience sinon dans un manque de foi en la présence réelle de Jésus-Christ sous les espèces eucharistiques, concerne l'accès à la sainte communion sans le souci de purifier sa conscience. La seconde concerne la perte du sens du sacré qui, se manifestant à la fois par une conception "horizontale" de l'Eucharistie et par le manque de vénération extérieure qui lui est due, affecte la sainte liturgie, au point d'en détruire tout le sens.
 
1. L'accès à la communion exige la pureté de conscience.
Il existe un "lien étroit entre le sacrement de pénitence et celui de l'Eucharistie", remarque Jean-Paul II, au numéro 7 de sa lettre, et il continue: "Ce n'est pas seulement la pénitence qui conduit à l'Eucharistie, mais c'est aussi l'Eucharistie qui mène à la pénitence. Lorsque, en effet, nous réalisons qui est Celui que nous recevons dans la communion eucharistique, naît en nous presque spontanément un sentiment d'indignité, accompagné du regret de nos péchés et du besoin intérieur de nous purifier. Nous devons cependant
toujours veiller à ce que cette grande rencontre avec le Christ dans l'Eucharistie ne devienne pas pour nous un fait routinier, et à ne pas le recevoir indignement, c'est-à-dire en état de péché mortel".
"Ce phénomène exige de notre part une attention vigilante et une analyse théologique et pastorale, guidée par le sens d'une très haute responsabilité. Nous ne pouvons pas permettre que dans la vie de nos communautés se perde ce bien qui est la sensibilité de la conscience chrétienne, à la seule lumière du Christ qui, reçu dans l'Eucharistie, doit trouver dans le cœur de chacun de nous une digne demeure. Ce problème est étroitement lié non seulement à la pratique du sacrement de pénitence, mais aussi au juste sens des responsabilités en face du dépôt de toute la doctrine morale et en face de la distinction précise entre le bien et le mal, laquelle devient ensuite, pour chacun des participants à l'Eucharistie, la base d'un jugement de conscience droit sur eux-mêmes. Sont bien connues les paroles de saint Paul: "Probet autem se ipsum homo" "Que tout homme s'éprouve lui-même" (I Cor. 11, 28); un tel jugement est la condition indispensable d'une décision personnelle, dans le but de s'approcher de la communion eucharistique ou de s'en abstenir".
 
2. La perte du sens du sacré
Au sujet de la perte du sens du sacré qui affecte la sainte liturgie et risque d'en détruire complètement le sens, Jean-Paul II écrit au numéro 8:
(...) "Le mystère eucharistique, s'il est disjoint de sa nature sacrificielle et sacramentelle, cesse tout simplement d'être tel. Il n'admet aucune imitation "profane" qui deviendrait très facilement (même si ce n'est pas une règle absolue) une profanation. Il faut le rappeler toujours, surtout peut-être à notre époque où
l'on observe une tendance à effacer la distinction entre sacrum et profanum, vu la tendance générale diffuse (au moins en certains lieux) à la désacralisation de toute chose".
"De ce fait, l'Église a le devoir particulier d'assurer et de confirmer le sacrum (le caractère sacré) de l'Eucharistie".
Se greffe sûrement sur la tendance à effacer la distinction entre "le sacré" et "le profane", entre "le Pain de Vie" et le pain ordinaire, tout manque de vénération extérieure à l'égard des espèces eucharistiques. À ce propos, le moins que l'on puisse dire de la communion dans la main, c'est que, telle qu'elle est pratiquée habituellement, elle n'aide pas du tout les fidèles à manifester le respect qui est dû à Jésus Eucharistie, le Fils du Dieu vivant. Au contraire, à son sujet on déplore bien des manques de respect à l'endroit des saintes espèces; manques de respect dont Jean-Paul II ne craint pas de faire état, sans doute dans l'espoir que les responsables du culte eucharistique y remédient.
Voici comment Jean-Paul II s'exprime:
Concernant la communion dans la main, permise en certains endroits par le Siège apostolique, à la demande de conférences épiscopales de ces pays, "il arrive d'entendre parler de regrettables manques de respect à l'égard des espèces eucharistiques; ces manques de respect ne retombent pas seulement sur les personnes coupables d'un tel comportement, mais aussi sur les pasteurs de l'Église qui auraient été moins vigilants sur l'attitude des fidèles envers l'Eucharistie. Il advient même, parfois, que l'on ne tienne pas compte du libre choix et de la libre volonté de ceux qui, là où a été autorisée aussi la distribution de la communion dans la main, préfèrent s'en tenir à l'usage de la recevoir dans la bouche..."
"Toucher les saintes espèces, les distribuer de ses mains, est un privilège des personnes ordonnées, qui indique une participation active au ministère de l'Eucharistie. Il ne fait aucun doute que l'Église peut concéder cette faculté à des personnes qui ne sont ni prêtres, ni diacres... pour une juste nécessité et toujours après une préparation adéquate".
Abbé J.-Réal Bleau
 

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LA DÉVOTION CONSTANTE DE L'ÉGLISE

À LA SAINTE EUCHARISTIE

 
Dans l'Imitation du Sacré-Cœur de Jésus, au livre IV, chapitre 3e, l'auteur, sous la forme d'un dialogue entre Jésus-Christ et son disciple, témoigne du fervent amour que les vrais fils de l'Église ont toujours manifesté à l'égard de la Sainte Eucharistie. En effet, à travers les siècles, les saints docteurs et maîtres spirituels ont suscité dans l'Église un large mouvement de piété eucharistique, inspiré par le Saint-Esprit pour remédier aux attaques croissantes contre le Sacrement d'amour.
1. Jésus-Christ. Mon fils, l'Église aime à se rappeler ce bienfait signalé de mon Cœur, elle vénère avec une dévotion suprême le miracle par excellence de mon amour.
Ravie de l'excès de bonté de mon Cœur, elle se donne tout entière à mon amour; elle jouit en sécurité de la douceur de ma présence, et elle continue à en jouir, tandis que les générations passent, que la face de la terre se transforme et que les siècles s'envolent.
Dans tous les siècles passés, à l'Orient et à l'Occident, au Nord et au Sud, les fils de l'Église se sont levés: ils ont proclamé heureuse leur sainte Mère, à cause de l'amour immense de mon Cœur, qui demeure tous les jours avec elle jusqu'à la consommation des siècles.
En cette présence continue et pleine d'une dilection mutuelle, je célèbre un grand festin, la fête divine de mes noces spirituelles avec mon Épouse immaculée, la sainte Église.
Mes fidèles, malgré leur pauvreté et leur faiblesse, sont appelés à ces noces, je les invite tous, je veux que ma table soit remplie, et que la joie soit partout.
2. Le Disciple. Mortels, écoutez et approchez tous, revêtus de la robe nuptiale. Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon.
Tous les vrais fidèles se présentent partout et toujours revêtus de la robe nuptiale à ce banquet sacré, dont les anges mêmes sont les ministres: ainsi ils sont agréables au Seigneur qui leur communique sa force et sa puissance.
"Pour ceux qui n'ont pas la robe nuptiale, ils se tiennent à l'écart, parce qu'ils craignent à juste titre de manger et de boire leur propre condamnation, ou parce qu'ils ne reconnaissent pas que l'Eucharistie est réellement la chair de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, laquelle a souffert pour nos péchés et que le Père a ressuscitée dans son immense bonté. " (1 Cor. II S. Ignace, martyr, Ier siècle.)
"Pour nous, nous savons que l'Eucharistie est véritablement la chair et le sang de Jésus-Christ, du Verbe Incarné." (S. Justin, martyr, IIe siècle.)
"Que de bienfaits sont accordés non seulement à notre âme, mais aussi à notre corps, nourri du corps et du sang du Sauveur!" (S. Irénée, IIe siècle.)
Quel profond respect ne mérite donc pas l'Eucharistie!
"Vous tous qui avez coutume d'assister aux saints mystères, vous savez, quand vous recevez le corps du Sauveur, avec quel soin, avec quelles précautions vous le conservez, combien vous craignez de laisser tomber la moindre parcelle du don consacré: vous considérez comme coupable celui qui en laisse tomber quelque chose par négligence. Telles sont les précautions que vous prenez, et vous avez bien raison de les prendre." (Origène, IIIe siècle.)
3. À peine sortie de trois siècles de persécutions, heureuse et fière de ses triomphes, l'Église, dans le premier Concile œcuménique, rappelle à ses enfants venus de toutes les parties du monde, les règles relatives à la dispensation des saints mystères.
Elle n'innove pas; gardienne fidèle du dépôt qui lui a été confié, elle remet en mémoire les antiques usages. Voici le langage de cette Mère pleine de tendresse: "ni les canons ni l'usage, dit-elle, ne permettent que ceux qui n'ont pas le droit d'offrir le saint sacrifice, présentent à ceux qui l'offrent le corps de Jésus-Christ. Ils doivent, conformément à l'ordre établi, recevoir la sainte communion après les prêtres, de la main de l'évêque ou de celle du prêtre." (1er Concile de Nicée, IVe siècle.)
"Voilà la sainte communion, voilà le Saint-Sacrement: Il nous donne son corps sous l'espèce du pain et son sang sous l'espèce du vin: dans la communion, nous mangeons le corps et nous buvons le sang du Sauveur: nous participons à son corps et à son sang. Nous sommes ainsi des théophores: nous portons Jésus-Christ en nos corps, et conformément à la parole de saint Pierre, nous participons à la nature divine." (S. Cyrille de Jérusalem, IVe siècle.)
" Avant les paroles sacramentelles, il n'y a que du pain; par la vertu de la consécration, le pain est
changé en la chair de Jésus-Christ. Oui, c'est la parole de Jésus-Christ qui produit cet admirable effet. Mais quelle est cette parole? C'est celle qui a fait toutes choses. Le Seigneur a parlé, et le ciel a été fait: le Seigneur a parlé, et le monde entier a été fait. Vous voyez donc quelle est l'efficacité de la parole de Jésus-Christ. Si elle a pu donner l'être à ce qui n'était pas, n'a-t-elle pas pu, et plus facilement encore, transformer ce qui était? Le Seigneur a parlé, et le prodige a été opéré." (S. Ambroise, IVe siècle.)
" Ô sacrement de piété! Ô signe d'unité! Ô lien de charité! Celui qui veut vivre sait où il peut vivre et de quoi il peut vivre. Qu'il reçoive la vie de Celui qui veut bien la lui communiquer! Qu'il n'y ait plus de membre gâté qu'il faille couper: qu'il n'y ait plus de membre irrégulier qui soit une honte pour le corps auquel il appartient! Que tous les membres du corps mystique du Sauveur soient beaux, saints, harmonieux; qu'ils soient infiniment unis à ce divin corps, qu'ils vivent de Dieu et pour Dieu! " (S. Augustin, IVe siècle.)
"En participant à ce corps sacré, pensons que nous recevons, que nous mangeons Celui qui est à la droite du Père et qui reçoit les adorations des anges. Celui sur lequel les anges n'osent lever les yeux à cause des rayons lumineux qui en descendent, devient notre nourriture, s'unit à nous, ne forme plus qu'un seul corps avec nous. Pour que nous lui soyons unis, non seulement par la charité, mais d'une façon réelle, participons à sa chair, en prenant la nourriture qu'il nous a donnée. Levons-nous de cette table, semblables à des lions qui exhalent la flamme et terribles au démon lui-même. " (S. Chrysostome, Ve siècle.)
"Qu'il est divin ce pain qui nourrit les anges par la contemplation, afin qu'ils en soient rassasiés dans la patrie, et qui nous nourrit par la foi, afin que nous ne soyons pas exposés à défaillir dans le voyage! Afin que l'homme pût se nourrir du pain des anges, le Créateur des anges s'est fait homme, nourrissant les anges et les hommes et ne perdant rien de ce qu'il était. " (S. Fulgence, VIe siècle.)
4. "Ceux qui vivent dans le péché et qui, malgré cela, ne cessent pas de communier, croyant que la sainte communion pourra les purifier, doivent savoir qu'elle ne servira qu'à les condamner. Car la chair du Christ est la nourriture des saints. " (S. Isidore de Séville, VII siècle.)
Préparez donc votre cœur. "L'Eucharistie est une communion par laquelle nous avons commerce avec Jésus-Christ, nous participons à sa chair et à son sang et nous nous unissons entre nous. " (S. Jean Damascène, VIIIe siècle.)
"Je m'adresse à ceux qui, malgré la parole expresse du divin Maître prétendent que ce n'est pas la vraie chair, le vrai sang du Sauveur que l'Église propose à ses enfants, et qui, imaginant je ne sais quelle vertu de la chair et du sang de Jésus-Christ, font mentir la Vérité même qui a dit: Ceci est mon corps. Quand il a rompu et présenté le pain, il n'a pas dit: Ceci est une vertu, une figure de mon corps; il a dit dans un langage qui ne saurait tromper: Ceci est mon corps. Or, il est en réalité ce qu'il a annoncé et non ce qu'il plaît à tel ou tel de supposer. Personne, jusqu'ici, n'a osé contredire ouvertement ce que le monde entier croit et confesse. " (Paschase Radbert, IXe siècle.)
5. "Que l'Eucharistie frappe toujours les regards dans nos temples, conformément à l'antique usage de l'Église! " (Luitprand, Xè siècle.)
" Jésus-Christ n'est pas sujet à l'oubli: il n'est pas en contradiction avec lui-même. Il est le pain qui
descend du ciel, qui chaque jour vient se placer pour nous sur la table du divin banquet, qui se donne pour la rémission des péchés, enfin qui communique la force et la vie à ceux qui font de lui leur nourriture. "
(S. Pierre Damien, XIe siècle.)
"Ne disons pas que notre âge est privé des apparitions dont le divin Sauveur a favorisé les patriarches et de la présence corporelle dont il a honoré ses apôtres. Nous ne sommes privés ni de l'un ni de l'autre de ces avantages. Il est au milieu de nous, dans le Saint-Sacrement, avec la véritable substance de sa chair. Il se révèle à nous en son esprit et en sa vertu, et, par conséquent, nous n'avons rien à envier aux époques qui ont été les mieux partagées. " (S. Bernard, XIIe siècle.)
6. "Aucune parole ne saurait exprimer la suavité de ce sacrement, dans lequel on goûte, comme en leur source, les délices spirituelles, et qui nous rappelle la charité exquise qu'il nous a témoignée dans sa passion. Donc, afin de graver plus profondément dans le cœur des fidèles l'immensité de cette charité, dans la dernière Cène, alors qu'il célébra pour la dernière fois la pâque avec ses disciples et qu'il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce Sacrement pour rappeler à jamais sa passion, pour remplir les antiques figures, pour mettre le comble à tous ses prodiges et nous consoler de son absence." (S. Thomas d'Aquin, XIIIe siècle.)
"Une personne spirituelle et intérieure trouve douze fruits excellents dans la participation au corps du Sauveur: la force nécessaire pour renoncer au monde et à ce qui passe, l'avancement dans les choses salutaires de l'éternité, l'élévation de l'âme au-dessus de tout ce qui est hors de Dieu, la vigueur pour s'exercer au bien, l'illumination de l'intelligence pour connaître plus parfaitement Dieu et tout ce que l'on voit dans le miroir de l'éternité, un amour de Dieu plus ardent, l'empressement à faire ce qui conduit au bonheur, un trésor de richesses, l'allégresse continue de l'esprit, une fermeté pleine de confiance, une paix parfaite, l'union de l'âme avec Dieu." (Tauler, XIVe siècle.).
"Ô banquet précieux, magnifique, salutaire, rempli de délices! Là on est purifié de ses fautes, on avance dans la vertu, on reçoit en même temps tous les dons." (S. Antonin, XVe siècle.)
7. Voici comment s'exprime le saint Concile de Trente, nous transmettant, touchant ce vénérable et divin sacrement, les enseignements purs et saints qu'a toujours retenus et que conservera jusqu'à la fin des siècles l'Église catholique instruite par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, par les apôtres et par l'Esprit-Saint lui suggérant, selon le besoin des temps, toute vérité:
"Le saint concile enseigne avant tout et professe clairement et sans détour que, dans le saint et salutaire sacrement de l'Eucharistie, après la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, se trouve vraiment, réellement et substantiellement contenu sous l'apparence de ces objets sensibles.
"En finissant, dans un sentiment de paternelle affection, il avertit, exhorte, prie et conjure, par les entrailles de la divine miséricorde, chacun de ceux en particulier qui portent le nom de chrétiens, d'arriver enfin à reconnaître avec unanimité d'esprit et de cœur, ce signe d'unité, ce lien d'amour, ce symbole de concorde. Que, dans le souvenir d'une majesté si grande et de l'amour si parfait de Jésus-Christ, notre Seigneur, qui nous a donné sa précieuse vie pour rançon et sa chair pour nourriture, ils entourent ces sacrés mystères de son corps et de son sang d'une foi si constante et si ferme, d'une dévotion et d'une piété si intérieures, d'un culte et d'un hommage si respectueux, que fréquemment ils puissent recevoir ce pain au-dessus de toute substance; qu'il soit vraiment pour eux la vie de l'âme, l'inaltérable santé de l'esprit: et que, fortifiés par sa vertu toute-puissante, ils puissent passer du pèlerinage de cette malheureuse vie à la patrie céleste pour y manger, dépouillé de tout voile, ce même pain des anges qui, caché sous des voiles sacrés, fait aujourd'hui leur nourriture." (Concile de Trente, 13e Session, XVIe siècle).
8. Mon Seigneur et mon Dieu, combien les fidèles de tous les siècles passés ont aimé à vous honorer dans le sacrement de votre amour! Avec quelle piété ne se sont-ils pas attachés à vous rendre leurs hommages ! Combien ne se sont-ils pas efforcés de témoigner de la reconnaissance qu'ils devaient à votre sacré Cœur et de vous rendre amour pour amour !
Aussi serions-nous bien à plaindre si, étant les héritiers de la foi transmise aux saints et les enfants des saints, nous manquions de zèle pour cette dévotion suprême, qui forme l'abrégé même de notre religion, alors que tant de siècles écoulés provoquent la vivacité de notre foi, que les fidèles de tous les temps et de tous les pays nous excitent par leur exemple et que l'excessive bonté de votre Cœur presse délicieusement nos cœurs.
Vivifiez notre foi, aimable Jésus, et ne cessez jamais de la vivifier et de l'augmenter. Fortifiez notre espérance et notre confiance. Excitez, embrasez notre amour.
Faites, Seigneur, que nous soyons toujours empressés à honorer avec esprit de foi ces saints et aimables mystères, à les vénérer dévotement, à y participer dignement.
Extrait de: l'Imitation du Sacré-Cœur de Jésus,. liv. IV, chap. 1, par le Père Aernout, S.J.
Publié dans L'ÉTENDARD, bulletin trimestriel d'informations catholiques et de liaison des retraitants des Exercices Spirituels.
L'œuvre de l'Étendard, 2461, rue St-Jacques, Montréal (Québec) H3J 1H8 - Canada


 

PRÉSENCE EUCHARISTIQUE

Étude de S. Exc. Mgr Garrone

 

La récente Constitution conciliaire est venue heureusement consacrer, redresser, promouvoir la vie liturgique de l'Église. Il n'est pas permis de douter que sa mise en œuvre loyale, mesurée, progressive, n'ouvre à la communauté chrétienne les voies d'un grand progrès.
Il faut veiller cependant.
En effet, à la faveur d'un texte nouveau, des idées fausses peuvent chercher à trouver une issue, des imprudences se commettre dont le retentissement peut aller jusqu'à altérer la foi.
C'est ainsi qu'une affirmation vigoureuse est devenue nécessaire sur le point de la présence réelle. Il est temps de s'interroger, qu'on soit prêtre ou qu'on soit laïc, pour prévenir un glissement, affermir sa pensée, peut-être déjà réparer quelque fine fissure née d'insinuations plus ou moins inconsidérées.
Il y a une pensée de l'Église au sujet de la Présence réelle(1).
Cette pensée s'est définie de la façon la plus formelle.
On ne peut s'en écarter sans s'écarter de ta foi.
C'est le Concile de Trente qui a énoncé en cette matière ce que nous devons croire :
"Le Concile affirme ouvertement et sans détour que, dans le vénérable sacrement de la sainte Eucharistie, après la consécration du pain et du vin, Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est présent vraiment, réellement et substantiellement sous l'apparence de ces réalités sensibles."
Pour être philosophique d'apparence, la présentation de la foi n'en a que plus de force par la rigueur et l'accumulation des termes. Chacun d'eux ferme une issue. Il fait face àune erreur, à une manière de contester ou de diminuer le contenu de la foi, à l'un ou l'autre des multiples substituts inventes par la Réforme pour échapper à la certitude simple et nette de la présence du Seigneur. Ces précisions sont indispensables aux théologiens, car rien ne doit être laissé à l'équivoque.
Mais, pour nous chrétiens, l'idée et la réalité sont simples et claires, et c'est ce que l'Église veut à tout prix sauver: Le Christ est là présent. La petite flamme exigée par la liturgie dit parfaitement ce qu'elle veut dire: Là, Quelqu'un vit.
Comment ? La théologie ne se flatte pas de savoir l'exprimer. Elle prévient plutôt les interprétations grossières. Elle demande seulement qu'on en croie le Seigneur sur parole et qu'on ne vide pas d'une présence réelle soit le sacrifice que le Christ a offert de son Corps et de son Sang, soit cette communion par laquelle il se rend intérieur à nous et "demeure en nous". Là en effet, où la Présence réelle a cessé d'être un objet ferme de foi, ou bien où elle s'est effacée, on a vu s'évanouir la foi au sacrifice de la messe et à la communion: tout cela se tient.
On entend ici Pascal: "Que le hais ces sottises de ne pas croire à l'Eucharistie ! Si l'Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a-t-il là ?" (Pensée 224.) Et c'est bien ainsi que l'Église l'a vécu.
 
La présence réelle dans le tabernacle
Tout proche de nous, si vivant encore dans les familles issues de sa pensée et de sa prière, c'est un P. de Foucauld. Seul en plein désert avec cette Présence, et donc le moins seul des hommes. Heureux, rayonnant de joie: la lumière de son visage est presque bouleversante. Heureux de cette Présence qu'une grâce exceptionnelle lui rend presque sensible dans une foi ardente. Sa prière, dont l'écho nous est si largement donné à travers ses notes, est jusqu'au plus profond pénétrée de cette certitude, vibrante de ce contact.
Exemple proche, providentiellement proche, et merveilleusement fécond.
Mais non unique. Les témoins d'une telle grâce jalonnent l'histoire de l'Église. Celle-ci a lentement découvert son propre Trésor. Et la joie indicible de posséder, sacramentellement, tout près de sot, le Seigneur que le Sacrifice met entre nos mains, a engendré le don de vies entières, la naissance de familles innombrables où la contemplation trouve à travers l'Eucharistie un chemin large, ouvert et un élan sans fin, développé souvent en œuvres apostoliques.
Mais ce sont là des vocations particulières. Il y a la grande route commune. Il y a la ferveur tranquille et quotidienne des simples, ceux que le Christ aime tant, ceux pour qui sa Parole est tout bonnement vérité. Il y a ces hommes, ces femmes pour qui entrer dans une église c'est y trouver sacramentellement leur Seigneur. Qui dira ce que la Présence eucharistique a ainsi réveillé de foi, entretenu d'amour, maintenu de fidélité ? On ne pense pas sans un serrement de cœur et une inquiétude profonde à l'énorme baisse du potentiel de prière, qui s'opère en notre temps par le fait d'une dévotion fléchissante envers l'Eucharistie. La piété chrétienne désertera, et commence déjà, de déserter l'église brusquement transformée en une sorte de temple mort où l'on cherche avec peine, et quelquefois l'on ne sait plus où trouver le signe providentiel de la Présence du Seigneur et du Sauveur.
Il y a une continuité entre la Volonté divine qui a rendu Dieu sensible aux yeux, à l'oreille, à la main des êtres de chair que nous sommes (1 Jean, 1), et cette Présence sacramentelle dont notre prière a besoin pour ranimer son élan, pour maintenir sa flamme.
Que serait la prière d'un Curé d'Ars sans cette Présence ?
Que sera donc la prière de nos fidèles dans telle église qu'on pourra bientôt impunément fermer en dehors des heures de culte ? Ce n'est pas cela que le Concile a voulu ! Et ce n'est pas l'heure de retirer aux âmes les moyens de prière que Dieu leur a donnés. Qui peut contester le fait de cette chaleur qui vient spontanément hausser le niveau de la prière dans telle célébration si désespérément glacée malgré la Parole de Dieu, lorsque l'Eucharistie vient nous offrir, avec la Présence sacramentelle, le Seigneur même de la Parole ? Quelle aberration que d'en priver nos fidèles !
 
La recherche théologique
Bien sûr, cette Présence est un grand mystère pour nous.
Moins tout de même que l'Incarnation qui est le vrai mystère.
Bien sûr que la théologie doit continuer de réfléchir sur ce point. Et l'on ne peut que se réjouir de l'effort qui se déploie aujourd'hui même. On ne doit même pas refuser d'essayer des formules qui rendront plus parfaitement compte de la foi; pourquoi pas ? Il suffit que la foi soit sauve en sa source et en sa continuité, et que le magistère ne marque pas sa désapprobation.
Il fait tout de même bon se souvenir d'un saint Thomas d'Aquin. L'Église n'a sans doute jamais connu de théologien de cette envergure. Paisiblement il a été un créateur. Or on sait ce que fut sa dévotion à l'Eucharistie, et ce sont ses cantiques qui portent depuis des siècles la ferveur de l'Église en sa Fête-Dieu. Le tabernacle était le lieu de sa plus profonde réflexion et sa prière trouvait là sa source préférée et la plus féconde. On ne dégénère pas en suivant cette trace.
On s'étonne donc que certains jettent aujourd'hui le trouble, et déconcertent par des insinuations entendues la simplicité de la loi chrétienne sur un tel point. Quelle que soit l'explication ou l'expression théologique -- toujours humaine -- qu'un génie pourra en donner, la vérité demeure où doit s'arrêter la loi, où peut s'appuyer à coup sûr la prière, sans attendre les développements savants: le Christ de la Passion et de l'Eucharistie demeure réellement présent sacramentellement parmi nous. Le chrétien qui va mourir peut le recevoir comme on le reçoit à la messe. Le chrétien qui a besoin que la présence du Seigneur lui soit d'une certaine façon sensible peut venir en sécurité près du tabernacle. Il ne se trompera pas.
Le prêtre a le devoir de ne pas laisser le chrétien privé de ce trésor.
Notre temps mourra de froid s'il ne prie plus. Il oubliera Dieu.
Rendons-lui le goût et le sens de la Présence réelle dont il a besoin.
Gabriel-Marie GARRONE, archevêque de Toulouse.
(1) Une encyclique du Souverain Pontife vient de rappeler la doctrine: il faut s'en pénétrer (encyclique Mysterium Fidei)
LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, No 1468, 3 avril 1966


 

Allocution prononcée par S. S. Paul VI au Congrès eucharistique de Pise. 10 juin 1965

 

Messieurs les cardinaux, et notamment Notre cardinal légat, l'archevêque de Florence; vénérables confrères, et particulièrement le cher archevêque de cette ancienne et illustre Église de Pise; autorités ecclésiastiques, civiles, académiques et militaires, et tout spécialement M. le président du Conseil des ministres d'Italie, les représentants du gouvernement italien et de la ville de Pise, et vous tous, fidèles de Pise, de Rome et d'Italie, qui êtes venus ici pour la célébration de ce XVIIe Congrès eucharistique national, Nous vous saluons, Nous vous bénissons, et Nous vous disons Notre reconnaissance pour vous être rassemblée ici afin d'unir au Notre votre hommage à l'auguste mystère du Christ présent dans les symboles eucharistiques. Nous sommes heureux de pouvoir Nous rencontrer avec vous, prier avec vous, augurer avec vous une nouvelle floraison spirituelle pour cette terre privilégiée où l'histoire, l'art et la culture ont, pendant des siècles, marché de pair avec la foi, et s'expriment dans des monuments d'une beauté et d'une richesse incomparables. Nous ne prolongerons pas davantage ces paroles de salut et de bénédiction, désirant consacrer Notre brève homélie au grand thème religieux que nous célébrons. C'est à ce thème que Nous réservons la plénitude de Nos sentiments, traduisant Notre salut et Notre bénédiction dans la piété et la charité de ce rite liturgique.
 

Les prêtres

Nous devons un salut spécial à tous les chers prêtres ici présents. Le Congrès leur réserve spécialement cette journée. Et Nous sommes venu ici aujourd'hui afin de la partager avec vous, qui êtes Nos frères par le choix que le Christ a fait de nous tous, pour nous donner totalement à son amour et à son service. Chers et vénérés prêtres, prenons conscience de ce qu'il nous est donné de représenter. Nous sommes, en effet, les représentants de Dieu devant les hommes et les représentants des hommes devant Dieu. Soyons remplis de joie et de crainte pour avoir été rendus, sinon dignes, du moins capables, à cause de cette double charge, d'agir au nom du Christ, par la vertu du grand mystère eucharistique. Le Christ, présent en nous par sa puissance divine et humaine, devient présent dans sa réalité sacramentelle, par le moyen de notre humble et sublime ministère. N'oublions pas qu'étant les agents, les ministres, les distributeurs de l'Eucharistie, nous devons au Christ et à Dieu d'être saints, nous devons à nos frères de les aimer.
 

Affirmation de la présence réelle devant certaines incertitudes

 

FRÈRES ET FILS TRÈS CHERS,
Nous sommes venu à ce Congrès pour faire Nôtre le témoignage qui est son programme: Dieu est avec nous. Il est avec nous parce que le Christ est avec nous, parce que les saintes espèces eucharistiques ne sont pas seulement symboles et figures du Christ, démonstration de son affection ou de son action sur les commensaux de sa Cène, mais contiennent le Christ vivant et vrai, le montrent présent tel qu'il est, vivant dans la gloire éternelle. Il est représenté ici dans l'acte de son sacrifice pour montrer que le sacrement de l'eucharistie reproduit d'une façon non sanglante l'immolation sanglante du Christ sur la croix, fait participer au bienfait de la Rédemption qui se nourrit dignement du Corps et du Sang du Christ, sous les espèces du pain et du vin. C'est ainsi, oui, c'est ainsi.
Oh! Nous savons qu'en énonçant une telle réalité, Nous énonçons un mystère. Nous savons même qu'en affirmant la vérité sur l'Eucharistie, telle que l'Église catholique la professe, Nous énonçons en même temps un complexe extrêmement merveilleux d'autres vérités essentiellement liées au mystère eucharistique, à la fois mystérieuses et fondées sur la réalité. Qu'il suffise de rappeler d'abord le sacerdoce, avec le prodigieux pouvoir qu'il a de rendre, par l'action divine, le Christ mystérieusement présent dans l'Eucharistie; de rappeler le rapport essentiel de l'Eucharistie avec le Corps mystique du Christ (cf. saint Thomas, III, 73, iii), c'est-à-dire avec l'Église, laquelle trouve dans l'Eucharistie le signe - qui est maintenant pour nous suprême - clé de son unité, ainsi que le principe le plus efficace de sa constitution et de sa sanctification: le Christ lui-même, dans l'acte de son immense amour. Et, de plus, cette présence réelle et cachée, sous des signes privés de leur nature réelle -- le pain et le vin, -- mais remplis de la signification spirituelle spécifique de l'Eucharistie -- aliment spirituel de l'homme en route vers la vie éternelle -- comporte des implications théologiques d'une telle profondeur (pensons à l'analogie entre la parole et l'écho identique et multiple qu'elle rencontre chez ceux qui l'écoutent), de telles conséquences liturgiques (la messe avant tout), de telles applications cultuelles (pensons au silencieux et merveilleux mystère des innombrables tabernacles qui constellent le monde de lumières, qui ne sont visibles que pour les anges, les saints et les croyants), une telle fécondité spirituelle (pensons à la plénitude liturgique des assemblées de fidèles autour de l'autel, aux conversations personnelles qu'entretiennent avec la divine présence toutes les âmes nourries du Christ ou extasiées dans la foi et la charité, dans l'adoration et la prière), cette présence, disons-Nous, comporte de telles implications religieuses, spirituelles et rituelles qu'elle constitue le cœur de l'Église. Jésus nous dit: " Je suis là, au centre. " ( Matth., 18, 20.)
Oui, c'est ainsi. Encore une fois, Nous savons que Nous énonçons-là un mystère, mais c'est ainsi. C'est là Notre témoignage, qui coïncide avec celui de ce Congrès, et vous apporte cette pleine confirmation que Notre magistère apostolique Nous autorise et même Nous oblige à donner ici: c'est ainsi. Le Christ est réellement présent dans le sacrement de l'eucharistie. Nous disons cela pour Nous réjouir avec vous, fils fidèles, de ce que vous faites de l'eucharistie votre aliment spirituel, et pour encourager votre piété envers ce culte authentique, nourri d'évangile et de doctrine théologique, auquel la récente constitution conciliaire sur la liturgie nous exhorte, en même temps qu'elle nous en aplanit la voie. Nous disons cela également pour dissiper certaines incertitudes qui se sont fait jour ces dernières années, à la suite de tentatives pour donner des interprétations éludant la doctrine traditionnelle et autorisée de l'Église sur une question aussi importante. Nous vous disons cela aussi pour vous inviter tous, hommes de notre siècle, à porter votre attention sur ce message ancien et toujours nouveau, que l'Église ne cesse de répéter: le Christ, vivant et caché sous les espèces sacramentelles qui nous l'offrent, est réellement présent. Ce n'est pas là une parole vaine, ni une suggestion superstitieuse ou un mythe imaginaire. C'est la vérité qui, bien que sur un autre plan, est tout aussi réelle que celles explorées par nous tous qui avons été formés par la culture moderne, celles concernant les choses qui nous entourent, que nous conquérons et affirmons, qui, une fois connues, donnent le sens des vérités sûres, positives, et, qui plus est, sont utiles: les vérités scientifiques.
 

Les difficultés de l'homme d'aujourd'hui devant le mystère de l'Eucharistie

 

Hommes, frères et fils de notre temps: Nous pensons comprendre votre perplexité, et également la contrariété de certains d'entre vous devant l'annonce du mystère eucharistique, que l'Église continue à proclamer et que Nous-même, profitant d'une occasion aussi propice et solennelle, Nous confirmons ici. Il Nous semble entendre certains d'entre vous murmurer: comment, mais comment peut-il exister une chose pareille qui échappe à toutes nos expériences, à toutes nos connaissances
habituelles du monde physique, à toute possibilité de contrôle sensible ? La formation intellectuelle qui est donnée aujourd'hui habitue la pensée à des certitudes concrètes qui ne dépassent pas la capacité de ses connaissances. Et puis, la réflexion honnête et courageuse se trouve à un certain moment paralysée par l'art du doute et de la critique négative, le confort intellectuel de l'agnosticisme et du scepticisme, la facile tendance à la négation, aussi bien spéculative que pratique, devant la religion, et peut-être aussi par une certaine paresse sommeillant au fond des âmes de tant d'hommes qui n'ont pas toujours été dépourvus de connaissances religieuses justes ou qui n'ont pas toujours été sans connaître quelque heureuse expérience de ce qu'est le Christ et de ce que vaut sa parole. Toutes ces formes caractéristiques de la mentalité et de la culture modernes arrêtent parfois l'homme profane devant cette annonce que Nous répétons encore une fois: le Christ est avec nous. Elles lui font hocher la tête, en disant comme ceux qui avaient entendu le grand discours du Christ à Capharnaüm : "Ce langage est trop fort, qui peut l'écouter ? " (Jean, 6, 60.)
Hommes de notre temps, qui, Nous le croyons, êtes tous fils de l'Église et Nos frères -- parce que baptises et donc candidats à l'ineffable communion avec le Christ vivant, -- Nous ne pouvons pas maintenant vous développer les raisons qui permettent d'accepter la grande vérité eucharistique. Nous vous dirons seulement ce que Nous Nous disons à Nous-même: c'est un mystère, c'est-à-dire une vérité d'un autre ordre que celui de la logique commune et de la connaissance découlant de l'expérience sensible. Mais c'est une vérité garantie par la parole du Maître, Jésus-Christ, cette parole qui fait appel dans notre esprit à une façon particulière d'apprendre des vérités supérieures à notre intelligence normale, et d'y adhérer; une façon particulière d'accepter et de vivre une parole qui se justifie par elle-même et qui comporte un attrait secret et rassurant, surtout lorsque tant d'arguments plausibles viennent l'appuyer; une façon particulière de nous engager pour accueillir une vérité qui s'affirme comme équivalente à la vie. Et cette façon particulière, vous le devinez, s'appelle la foi.
L'Eucharistie est un mystère de foi, une lumière qui est pleine de vie, de douceur et de certitude pour celui qui croit, mais qui est un rite opaque pour celui qui ne croit pas. Combien l'Eucharistie est un sujet décisif lorsqu'elle devient ainsi une ligne de partage ! Celui qui l'accueille fait un choix. Il prend cette vigoureuse option de Pierre: "Seigneur, a qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle." ( Jean, 6. 68.)
 

L'offre libre que l'Église fait à des hommes libres

 

Frères et fils bien-aimés, peut-être est-ce pour vous tous le moment de renouveler le choix que le Christ vous propose. Il ne s'agit pas seulement de ce dogme capital relatif au mystère eucharistique, mais de tout son message évangélique, tel que l'Église nous le propose, sous la conduite de l'Esprit-Saint et après une longue veillée de méditation, il s'agit en un mot d'opter pour la foi catholique. A l'heure solennelle du Concile œcuménique, alors que mûrit sur le cadran de l'histoire le début de temps nouveaux pour la vie du monde, notre foi joue un rôle très important. Chacun sait combien est vivement et largement ressenti le besoin d'une vérité transcendante et profondément capable d'éclairer le chemin de l'humanité. La foi catholique, encore une fois, présente au monde son offre impressionnante.
Remarquez bien qu'il s'agit d'une offre libre, faite à des hommes libres; et d'une offre qui, à y bien réfléchir, est libératrice. Le Seigneur nous l'a dit: la vérité, sa vérité vous libérera (Jean, 8, 32). C'est une offre gratuite et désintéressée, comme celle qui trouve son principe et sa fin dans un amour infini; une offre qui n'humilie pas l'esprit de l'homme, mais l'élève à des perspectives supérieures; une offre qui ne trouble pas l'activité propre de la pensée humaine, ne charge pas son travail naturel et honnête, n'arrête pas l'activité temporelle dans ses conquêtes civiles, mais bien plutôt éclaire et réconforte l'homme qui consacre le temps de sa vie présente à des œuvres dignes. Cette offre -- qui ne le sait ? -- ne ralentit pas le développement social, ne constitue pas pour l'homme une aliénation par rapport à ses légitimes aspirations sociales, mais apporte avec elle l'éternel et joyeux message évangélique de réconfort et d'espérance pour toute douleur humaine, d'encouragement aussi pour toute justice qui s'impose. Devant Dieu, Cette offre est liée à la responsabilité concernant la vie individuelle -- rappelez-vous ces paroles : "Qui croira... sera sauvé." (Marc, ~6, 16); -- devant l'histoire, elle est liée au sort de la paix dans le monde, et c'est pourquoi c'est une offre grave et grande. Si on l'accueille, elle engage la vie vers des programmes sincèrement et résolument magnanimes, mais toujours chrétiennement simples, bons et saints. La foi, c'est la vie, c'est le salut.
S'il est donné à Notre voix de se répandre et de pénétrer, Nous désirons qu'elle parvienne d'abord à vous et à vos cœurs, gens de Pise. C'est l'heure de la foi, et Nous répéterons l'exhortation apostolique: "Soyez forts dans la foi." (1 Pierre, 5. 8), dans cette foi qui a tissé votre histoire et a fait votre gloire. Reprenez-en aujourd'hui pleinement et profondément conscience, et prenez des résolutions de fidélité pour l'avenir. Et puis, dans un esprit d'estime et d'amitié, Nous n'hésiterons pas à inviter paternellement à reconsidérer la foi dans le Christ également votre célèbre université, que Nous n'ignorons pas, que Nous vénérons, et dont un de Nos lointains prédécesseurs, Clément VI (1343), signa autrefois l'acte de naissance; ainsi qu'à votre illustre école normale supérieure. Les esprits ardents et réfléchis de ces augustes centres d'étude et de science ne manqueront pas de considérer la gravité de cette invitation et de reconnaître sa valeur.
Et puis, Nous dirons aussi au peuple toscan qui Nous accueille: Fils de la Toscane, aimez la foi chrétienne de cette terre privilégiée et bénie; la foi de vos saints, de vos grands esprits, dont, hier et aujourd'hui, on célèbre l'immortelle mémoire : Galilée, Michel-Ange et Dante; la foi de vos pères. Faites qu'aujourd'hui encore votre foi - et demain celle de vos fils -- soit pure et vivante.
Et Nous voudrions que l'écho de Notre appel à être fermes dans la foi du Christ, au-delà de ce rivage, parvienne jusqu'à la chère Sardaigne, l'île laborieuse avec laquelle Pise a entretenu, pendant des siècles, des relations spirituelles et civiles, et puis, à l'Italie tout entière qui, aujourd'hui, trouve ici l'expression magnifique de son unité spirituelle, gage magnifique de sa prospérité chrétienne.
Tel est le message que le Pape est venu apporter personnellement au Congrès eucharistique national de Pise, la glorieuse.
 

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Allocution prononcée par S. S. Paul VI le jour de la Fête-Dieu le 17 juin 1965

 

(...) Aucune autre circonstance ne peut, mieux que la célébration du sacrifice eucharistique, servir ce but communautaire, parce qu'aucun autre moment de la vie religieuse n'est plus propice pour éveiller dans une population le sens de sa profonde solidarité, et même, lui donner le charisme de son unité réelle, bien que mystique. Rappelez-vous toujours que l'Eucharistie est le sacrement de la communion chrétienne. Nous voudrions que ce fût le souvenir particulier que vous gardiez de cette cérémonie mémorable. C'est le sacrement de l'union vitale au Christ, lequel a donné sa vie pour nous, et a pris les signes du pain et du vin pour nous représenter son sacrifice, celui de son corps et de son sang, et pour nous permettre de participer à la vertu rédemptrice de son sacrifice, en devenant notre aliment spirituel et réel. Union vitale, personnelle donc, destinée à nourrir la piété individuelle la plus intime et la plus profonde; mais aussi union sociale, parce qu'elle tend en même temps à mettre dans toute existence humaine qui participe à ce sacrement un principe de vie identique pour tous, à offrir à chacun ce même pain, qui fait des commensaux une seule chose, un seul corps avec le Christ (cf. 1 Cor., 10. 17).
 

L'Eucharistie, facteur d'unité de la communauté chrétienne

 

Soyons facilement portés à vénérer ce sacrement à cause du mystère qu'il contient et qui l'entoure, à cause du respect qui lui est dû et qui écarte de lui tout bruit profane, tout contact commun, le rendant en quelque sorte isolé, étranger à l'expérience de la vie vécue et aux rapports sociaux. Qu'au sacrement de la présence du Seigneur parmi nous soit dû tout égard, tout respect, et pas seulement le respect extérieur (cf. 1 Cor., 2. 30-31), c'est bien. Mais notre formation religieuse serait incomplète et notre conscience sociale serait privée de sa meilleure ressource si nous oubliions que l'Eucharistie est destinée non seulement à notre sanctification chrétienne, mais aussi à nos rapports humains; qu'elle a été instituée pour que nous devenions frères; qu'elle est célébrée par le prêtre, ministre de la communauté chrétienne, pour que, au lieu d'être étrangers, dispersés, indifférents les uns aux autres, nous devenions unis, égaux et amis; elle nous est donnée pour que, au lieu d'être une masse apathique, égoïste, faite de gens divisés et hostiles, nous devenions un peuple, un vrai peuple, croyant et aimant, d'un seul cœur et d'une seule âme (cf. Act., 4. 32). Reprenons les saintes et célèbres exclamations: "O sacramentum pietatis ! 0 signum unitatis ! 0 vinculum caritatis !" (S. Augustin In loan, tract. XXVI, 13; P. L. XXXV, 1613.)
Or, frères et fils très chers, cela a une double et très grande importance. Cela nous montre d'abord que l'Eucharistie est la cause merveilleuse de l'union des croyants avec Jésus et entre eux; saint Léon le Grand, Notre ancien et grand prédécesseur, l'affirme: "Notre participation au corps et au sang du Christ ne tend à rien d'autre qu'à nous transformer en ce que nous recevons." Serm. LXIII, 7; P. L., In loan, LIV, 357.) L'unité vraie et complète des fidèles qui composent l'Église est le résultat de ,leur participation à l'Eucharistie.
 

L'Eucharistie et la cité terrestre

 

Et en second lieu, cette communion de foi, de charité, de vie surnaturelle découlant du sacrement qui la signifie peut avoir sur la société temporelle des hommes un effet énorme, et on ne peut plus bienfaisant. Vous le savez en effet, le problème fondamental qui aujourd'hui prend le pas sur tous les autres, domine tous les autres, c'est celui de la vie sociale humaine, le problème qui concerne les idéologies, les politiques, les cultures, les organisations selon lesquelles les hommes de notre temps, par leurs travaux, leurs peines, leurs aspirations, leurs souffrances, créent la cité terrestre, la société nouvelle et idéale. Et nous savons tous que dans ce multiple effort, les hommes qui travaillent à cette immense construction, réussissent souvent, certes, à faire des progrès remarquables, méritant d'être admirés et encouragés. Mais ils trouvent en eux-mêmes, à chaque pas, des obstacles et des contradictions qui se transforment en divisions, luttes et guerres, précisément parce qu'il leur manque le principe unificateur unique et transcendant de la société humaine, il leur manque l'énergie morale suffisante pour lui donner cette cohésion aussi libre et consciente que solide et heureuse, qui convient à de vrais hommes.
La cité terrestre manque de ce supplément de foi et d'amour qu'elle ne peut trouver ni en elle-même ni d'elle-même, et que la cité religieuse existant en elle, l'Église -- sans nuire en rien à l'autonomie de la cité terrestre, et même à sa juste laïcité -- peut lui donner en abondance par une silencieuse osmose d'exemple et de vertu spirituelle.
 

Ciment de cohésion pour la population urbaine

 

Que ce soit là Notre vœu au terme de cette cérémonie solennelle en l'honneur du sacrement, capable de rendre les hommes frères. Habitants de ce quartier moderne, vous avez ici un bel exemple de cité nouvelle et idéale; ne permettez pas qu'elle manque de l'animation intérieure qui peut la rendre vraiment unanime, bonne et heureuse, cette animation qui lui vient de la source de la foi catholique, vécue dans la célébration communautaire de la liturgie eucharistique. Ne manquez jamais à cette réunion, à cette fête qui unifie et élève spirituellement la population urbaine, laquelle n'a pas encore un ciment intérieur suffisant pour assurer sa cohésion, en même temps qu'elle manque encore d'un esprit communautaire parfaitement unanime, tonifiant et réconfortant. Devenez une famille autour de l'autel du Christ, devenez peuple de Dieu.

LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, Numéro 1451 - 4 juillet 1965

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius

 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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