Angélus II

L'Angélus II

 

suite

 

3) Explication de l'Angelus

 

L'ange du Seigneur. Angelus Domini. Pourquoi ne disons-nous pas seulement l'ange annonça mais ajoutons l'ange du Seigneur ? Est-ce que tous les anges ne sont pas des anges de Dieu ou du Seigneur ? Sans aucun doute. Le texte sacré dit : L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu (Missus est angelus Gabriel a Deo), est-ce encore que tous les anges ne sont pas envoyés de Dieu ? Pourquoi donc cette particularité ? Elle nous révèle trois choses : 1/ l'excellence de Gabriel qui fut envoyé, non par quelque ange d'un ordre supérieur, mais par Dieu lui-même qui, sans intermédiaire, lui confia son auguste mission. 2/ l'excellence de cette mission, la plus grande qui ait jamais été et qui sera jamais donnée à aucun ange. 3/ le secret des mystères de l'Incarnation, du Verbe et de la Rédemption du monde, que Dieu avait caché aux anges, et qu'il révèle aujourd'hui à Gabriel, chargé de l'annoncer à la terre.

 

Annonça à Marie. Nuntiavit Mariæ. La manière dont l'archange s'y prit pour annoncer à Marie la grande nouvelle, est presque aussi admirable que la nouvelle même. Vous pouvez y admirer l'art oratoire dans toute sa perfection. Gabriel avait trois choses à faire. 1/ rendre la jeune Vierge attentive à ce qu'il allait lui dire. Il le fait en la saluant d'une manière nouvelle et tout à fait inconnue. Ave, gratia plena. "Si Marie, dit Origène, qui connaissait parfaitement les Ecritures, avait su qu'une pareille salutation avait été adressée à un autre, elle n'en aurait été ni troublée ni effrayée. En la saluant, pleine de grâce, l'ange lui fait entendre qu'elle est préparée au grand mystère qu'il est chargé de lui annoncer. 2/ l'instruire du mystère qui devait s'accomplir en elle. Il le fait en disant : Vous concevrez un fils qui sera le Grand, ou plutôt la grandeur même; car c'est le Saint-Esprit qui le formera en vous. 3/ obtenir, malgré les apparences contraires, la foi de Marie à l'accomplissement du mystère, et son consentement. L'ange le sait, en lui citant l'exemple de sainte Elisabeth, comme la preuve irréfutable que Dieu peut tout ce qu'il veut. (S. Th, III P., Q. 30, art. 4, corp.)

 

et elle conçut du Saint-Esprit. Et concepit de Spiritu Sancto. La divine conception n'eut pas lieu immédiatement après ces paroles : l'Ange annonça à Marie; mais bien après le consentement de Marie, exprimé par ces mots : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait suivant votre parole. Seulement l'Eglise a voulu nous donner dès l'abord une haute idée de l'Angelus, en exprimant, tout d'un trait, le but et le résultat de l'ambassade angélique. Telle est la raison de la particule et qui montre la liaison entre l'annonce et le fait annoncé. Elle conçut. A peine l'auguste Vierge eut donné son consentement, que le mystère de l'Incarnation fut accompli. Le corps de Notre Seigneur se trouva immédiatement et complètement formé dans les chastes entrailles de Marie, et uni à une âme raisonnable. De là un homme parfait qui, par son union hypostatique avec la seconde personne de la Sainte Trinité, fut aussitôt doué de la plénitude de la vie divine et humaine. (Corn. a. Lap., in Luc., 1) Si conformément aux lois de la Providence, il resta neuf mois dans le sein de sa mère, ce fut, non pour se former, mais pour se développer (S. Th., III P. Q. 33, art. 1, corp. et Q. 34) Du Saint Esprit, c'est-à-dire par la puissance du Saint-Esprit, et non autrement, car le Saint-Esprit n'est pas le père de Notre Seigneur. (S. Th., III P., Q. 32, art. 2, ad 1) Ecoutez saint Augustin : "Sans doute le Saint-Esprit fut l'artisan de l'humanité de Jésus-Christ; c'est lui qui la forma, l'organisa, la disposa et l'anima. Cependant, on ne peut pas dire qu'il en est le père, attendu qu'il ne lui a rien donné, rien communiqué de sa substance." (S. Aug., Enchirid., c. XXVIII) Que par sa toute-puissance, le Saint-Esprit ait opéré ce miracle, il n'y a rien d'étonnant. "Celui, dit saint Cyrille, qui de la verge sèche de Moïse fit un animal vivant, c'est-à-dire un serpent : pourquoi ne pourrait-il pas produire d'une vierge vivante un homme vivant ? Celui qui d'un homme vierge, Adam, forma une femme vierge, Eve : pourquoi ne pourrait-il pas également, d'une femme vierge, former un homme vierge ? Eve naquit de l'homme seul. Marie nous rend gracieusement la pareille. D'elle seule, et non d'un homme, mais par la puissance du Saint-Esprit, elle enfante, demeurant toujours vierge, un homme-Dieu. Enfin, d'une sèche poussière de Dieu fit Adam vivant : pourquoi d'une vierge vivant ne pourrait-il pas former un homme ? une vierge n'est-elle pas plus qu'un grain de poussière ?" (Catech., XII) Rappelons que toutes les oeuvres extérieures de Dieu, opera ad extra, sont communes aux trois personnes de la Sainte Trinité. Chacune d'elles, en particulier, contribue au mystère de l'Incarnation. Le Père affermit la faiblesse de Marie, en l'enveloppant de sa toute-puissance, virtus Altissimi obumbrabit tibi; le Saint-Esprit descend en elle, Spiritus Sanctus superveniet in te; et le Verbe s'incarna dans son sein, ecce concipies in utero et paries filium. Pourquoi donc l'Incarnation semble-t-elle attribuée uniquement au Saint-Esprit ? L'Incarnation est le mystère d'amour par excellence. De là découlent, sur les anges et sur les hommes, tous les biens de la grâce et de la gloire, du temps et de l'éternité. Le Saint-Esprit étant l'amour consubstantiel du Père et du Fils, rien n'est plus naturel que de lui attribuer spécialement le mystère de l'Incarnation. (S. Th., III P., Q. 32, art. 1, corp.) "Consentez, consentez, lui crie le genre humain tout entier; ne retardez pas le salut du monde. L'ange vous a donné sa parole : vous resterez vierge et vous serez mère. Engagez votre foi, et vous connaîtrez la vertu du Tout-Puissant." (S. Aug., Serm. XVIII, de Sanctis.) Pleinement rassurée, Marie incline doucement sa tête virginale, et dit : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait suivant votre parole. Nouveaux sujets d'admiration et nouvelles richesses de l'Angelus. Je suis la servante du Seigneur. Dans ces simples paroles, que la routine prononce trop souvent sans attention, se révèle toute la profondeur du double mystère de la chute et de la rédemption du monde. Guillaume duc d'Aquitaine, converti par saint Bernard, se retira à Clairvaux, se fit religieux et mourut en 1137 à Saint-Jacques de Compostelle. De la parole de la sainte Vierge : Je suis la servante du Seigneur, il concluait avec raison que plus on s'approche de Dieu, plus l'âme est illuminée, et plus elle connaît son néant et se méprise. Voyez plutôt, disait-il, c'est après son entretien avec la sainte Trinité, qu'Abraham se déclare cendre et poussière. C'est après le miracle du buisson ardent, que Moïse se dit incapable de parler. C'est après avoir entendu les concerts des Séraphins qu'Isaïe trouve ses lèvres souillées. C'est après avoir entendu la voix de Dieu, que Job se reprend, couché dans la cendre et la poussière. Enfin, c'est après s'être vue choisie pour la Mère de Dieu, que la bienheureuse Vierge se proclame la servante du Seigneur." De tout cela, nous conclurons que l'orgueil ne vit que d'ignorance et l'humilité, de la science de Dieu.

 

Suivant votre parole. Secundum verbum tuum. Remarquez la précision des termes évangéliques, en même temps que la merveilleuse prudence de Marie et l'amour non moins admirable de sa virginité. Elle ne répond pas simplement à l'ange : Oui, que je devienne Mère de Dieu. Elle dit : Qu'il me soit fait suivant votre parole : c'est-à-dire je consens à être la Mère de Dieu, mais à la condition que vous m'avez promise de conserver intact le lis de ma virginité. (Corn. a. Lap., in Luc., 1) L'Angelus du soir marque l'heure à laquelle eut lieu ce second dialogue, digne d'éternelles bénédictions. Bien que rapporté en peu de mots dans l'Evangile, la tradition nous apprend qu'il se prolongea une partie de la nuit, et que l'ange demeura en extase devant la beauté surhumaine de Marie qui, en ce moment, aurait vu l'essence de Dieu; et devant le Verbe éternel, présent dans le sein de sa créature. (Corn. a. Lap., in Luc., 1)

 

Et le verbe s'est fait chair.

Et Verbum caro factum est. La particule et unit ce qui précède à ce qui suit. Ce qui précède, c'est le consentement donné par Marie à la conception divine. Ce qui suit, est la formation instantanée du Rédempteur, dans le sein virginal. Cette particule montre la rapidité avec laquelle Dieu accomplit ses ouvrages. En effet, celui qui peut tout, opère ce qu'il veut en parlant : Dixit et facta sunt.

Le Verbe. Au commencement, à ce commencement qui précède tous les commencements, dit l'évangéliste, était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Ce Verbe éternel, Dieu de Dieu, lumière de lumière, créateur de la terre et des cieux, des anges et des hommes, roi des rois, Seigneur des seigneurs, demeurant dans toute sa divinité, dans toute sa majesté, dans toute sa puissance, dans toute sa gloire, s'est fait chair.

S'est fait chair. Si vous pouvez mesurer la distance qui sépare l'être des êtres d'un peu de poussière, et quelle poussière ! vous aurez la distance qui sépare les deux mots Verbe et chair. Vous n'ignorez pas que le mot chair se prend ici pour l'homme tout entier, en sorte que la parole de l'Angelus veut dire : le Fils de Dieu s'est fait homme. Mais vous allez demander : "Pourquoi l'Evangile n'a pas dit : Le Verbe s'est fait âme ? est-ce que l'âme n'est pas comme la chair, une partie intégrante de l'homme ? Et aussi bien que la chair, l'âme ne se prend-elle pas pour l'homme tout entier ?"

A coup sûr; et l'âme est même la plus noble partie de l'homme ! C'est précisément pour cette raison que l'Evangile dit : Le Verbe s'est fait chair. "Afin de montrer jusqu'à quelle profondeur d'abaissement est descendue la bonté de Dieu pour nous, il est dit que le Fils de Dieu s'est fait chair, s'est associé à la partie de l'homme la plus vile et la plus infime, afin que de cette chair profondément corrompue par la concupiscence et par le péché, nous devenions comme des dieux, des enfants de Dieu, des parents de Dieu." (Corn. a. Lap., in Joan., 1)

Et cette chair humaine, plus vile que celle des ânes, des boeufs, des chevaux et des autres bêtes, dans quel état le Verbe l'a-t-il prise ? Ecoutez saint Bernard : "Il l'a prise non belle et forte comme dans Adam; il l'a prise faible, enfantine, tendre, impuissante, incapable de toute fatigue et de tout travail. Et celui qui a fait cela, c'est le Verbe éternel, habitant d'une lumière inaccessible, la Sagesse infinie qui, pour t'enseigner, vient, ô homme, s'introduire dans tes sens et te dire : fuis la volupté, la mort est la porte du plaisir." (Cor., ibid.; S. Ber. Serm. III de Nativ.)

S'est fait chair. Encore un dogme fondamental que nous rappelle l'Angelus. "Le Verbe s'est fait chair, mais il ne s'est pas changé en chair. Il n'a pas cessé d'être ce qu'il était, mais il a commencé d'être ce qu'il n'était pas. Par la chair nous entendons tout l'homme. Or, comme le premier Adam avait été frappé de mort dans son âme et dans son corps, il fallait que le médiateur entre Dieu et les hommes, Notre Seigneur Jésus Christ, se fit chair pour vivifier l'homme dans sa chair et dans son âme." (S. Aug., Dialog. 65, qœst. ad Oros., quœst. 4)

Il résulte de là, que dans le Verbe incarné il y a deux natures entières et non confondues, la nature divine et la nature humaine; conséquemment deux volontés, qui subsistent avec toutes leurs puissances dans la personne du Verbe; car c'est dans cette personne que l'union s'est fait et non pas dans la nature. Tel est le dogme défini contre Nestorius, par le Concile d'Ephèse (431).

Parmi nous.

In nobis. Cela signifie dans notre nature, dans l'humanité dont il a daigné se revêtir pour nous racheter; en sorte que le Verbe incarné a été vu des yeux corporels de l'homme, touché de ses mains, entendu de ses oreilles.

Il a vécu familièrement avec les enfants des hommes devenus ses frères et ses amis, surtout parmi les pauvres et les petits. Avec eux, il a conversé, avec eux il a mangé; chez eux, il a logé. Il a reçu leurs services, vécu de leurs aumônes : et c'était le Fils de Dieu ! Il a écouté leurs questions, répondu à leurs demandes, exaucé leurs prières, éclairci leurs doutes, guéri leurs infirmités, ressuscité leurs morts, consolé leurs douleurs, pardonné leurs fautes, passé en faisant le bien et laissé sur ses pas un sillon de lumière, pour leur marquer le chemin de la patrie. (Baruch. III, 38)

L'habitation du Verbe, parmi nous, n'a pas fini avec sa vie mortelle. Grâce à un miracle d'incompréhensible bonté, elle continue par la sainte Eucharistie. Toutes les fois que je regarde un tabernacle, je puis dire : Le Verbe habite parmi nous; et, toutes les fois que je communie, je puis ajouter : le Verbe habite en moi.

L'invocation filiale de Marie, la mère de Dieu et la nôtre, est tellement dans la nature que, pour l'avoir abandonnée, les protestants de nos jours ont dû faire violence au sentiment le plus intime de leur coeur, et se mettre sur ce point, comme sur tant d'autres, en contradiction flagrante avec leurs propres auteurs.

Ecoutez Luther lui-même : "Quant à l'invocation des saints, je pense et je juge avec toute l'Eglise chrétienne, que les saints doivent être invoqués et honorés. Qui, en effet, peut nier les miracles visibles qui, aujourd'hui même, s'opèrent par les reliques et aux tombeaux des saints ? (In Purgatione quorumdam articul., apud Canistum, p. 277)

Tu t'adresses aux saints comme à ton prochain. Comme tu dis à ton prochain : Prie Dieu pour moi; de même tu peux leur dire : Pierre, prie pour moi... Nous regarderons volontiers la sainte Vierge et les autres saints comme nos intercesseurs. Jamais il ne m'est venu dans l'esprit de traiter de superstitions, la vénération et l'invocation des saints, même pour les causes les plus matérielles. (In postilla circ. evang. festi de Joan. Baptist.)

Quant à l'Ave Maria, il faut le prendre d'abord, comme un pieuse méditation, dans laquelle sont énumérés les dons reçus de Dieu par Marie. Ensuite, comme un désir que nous exprimons de voir tous les hommes l'aimer et la connaître telle que la montre la Salutation angélique." (Epist. ad Georg. Spalatin. 1518)

Urbanus Rhegius, ami intime de Luther, qui le mit au rang des saints dit : "Pourquoi les chrétiens récitent-ils chaque jour la Salutation Angélique ? Afin de renouveler assidûment la mémoire du grand mystère du Dieu fait homme, il y a plus de 1540 ans, et de l'accomplissement des promesses faites à Abraham et aux patriarches.

Toutes les fois que vous récitez la Salutation angélique, rendez de tout votre coeur grâces au Dieu miséricordieux et véritable, qui nous a aimés jusqu'à envoyer son Fils unique dans ce monde, afin que, devenu homme, il délivrât les hommes de tout mal." (In minori Catechismo, apud Canisium, p. 247)

Spanberger, un autre chef de la prétendue Réforme, dit : "L'Ave Maria est le salut que la Sainte Trinité daigna adresser à la vierge Marie. Nous ne devons donc pas négliger de la saluer par les mêmes paroles. Elle-même chante dans son cantique : Voici que désormais toutes les générations me proclameront bienheureuse. Si ces paroles doivent être accomplies, il faut nécessairement qu'il y ait des hommes qui la comblent de louanges... Qui le fera ? A coup sûr les Juifs, les Turcs, les païens, les hypocrites, les mauvais chrétiens, ne le sont pas; loin de là, ils l'insultent et la blasphèment. A nous donc qui faisons profession de l'Evangile de remplir ce devoir." (Postilla in Die Annuntiat. Mariæ, apud Canisium, p. 246)

Maintenant que vous êtes armés et contre les mauvais catholiques qui, dédaignant l'Angelus, dédaignent aussi l'Ave Maria, et contre les protestants actuels qui s'en moquent et le blasphèment, j'arrive à mon explication.

Ave: salut. "Dans le monde, dit saint Pierre Damien, ont retenti deux paroles, telles que la terre n'en avait jamais entendues, telle qu'elle n'en entendra jamais : paroles près desquelles toutes les autres sont muettes. La première, semblable au rugissement le plus puissant, est celle de l'archange : AVE, GRATIA PLENA, Salut, pleine de grâce. Descendue des hauteurs des cieux, cette parole dit : Incarnation de Dieu, rédemption du genre humain, renouvellement du monde. La seconde, sortie de la bouche de Jean, l'enfant du tonnerre, qui, après avoir, aigle sublime, contemplé le Soleil éternel, s'écrie : IN PRINCIPIO ERAT VERBUM, au commencement était le Verbe. (Serm. 1, de Nativ. Virg.)

Ave : salut. Ce mot veut dire : vie, joie, allégresse, paix à vous. Les Hébreux l'employaient, lorsqu'ils voulaient rassurer une personne et lui annoncer une heureuse nouvelle. Vous remarquerez que le mot Ave, qui veut dire vie, est l'anagramme d'Eva ou Eve renversé.

Consolant anagramme, qui dit : "Eve, vous ne fûtes pas la mère de la vie, mais de la mort. Au contraire, la vraie mère de la vie, qui avez changé en bénédictions la malédiction dont fut frappée notre première mère. Voilà pourquoi l'Eglise vous chante. "SUMENS ILLUD AVEC GABRIELUS ORE, En recevant cet ave de la bouche de Gabriel, vous devenez le fondement de notre paix." Vous voyez, dans ce seul mot, Ave, est toute la révolution qui sauvera le monde.

Maria, Marie. L'Evangile nous apprend que le nom de l'auguste Vierge était Marie : Et nomen virginis Maria. Mais il ne se trouve pas sur les lèvres de l'archange. Est-ce par respect que le céleste ambassadeur ne le prononce pas ? Vous pouvez le croire sans hésiter. Ainsi, dans l'Evangile, jamais Notre Seigneur lui-même n'appelle sa divine mère par son nom de Marie. C'était par respect pour elle et conformément à la coutume des Hébreux de ne jamais appeler, par leur nom propre, les personnes à l'égard desquelles la nature leur commandait un grand respect. (Lyranus, Trisag. L. commd., 24) Encore aujourd'hui parmi nous, jamais un enfant n'appelle par leur nom propre ni son père ni sa mère.

De là vient que dans certains pays, et pendant bien des siècles, aucune femme ne porta le nom de Marie, pas plus qu'aujourd'hui encore, aucun homme ne porte le nom de Jésus. En parlant de la Mère de Dieu, les Hongrois ne lui donnaient point le nom de Marie. Ils disaient seulement la Dame. A ce nom ils inclinaient la tête ou fléchissaient le genou. (Vie de S. Etienne de Hongrie, 27)

La piété catholique introduisit de bonne heure le nom de Marie dans la Salutation angélique. On l'y trouve au VIIè siècle. Si vous m'en demandez la raison, je dirai, suivant toute apparence, qu'on voulut se rendre présente la divine Mère à qui s'adresse la salutation, et prononcer le plus souvent possible un nom qui réjouit le coeur et le remplit d'une confiance filiale. (S. Bonav., Speculum B. M. V.) Pleine de sagesse, l'Eglise consacre, encourage même cette douce et pieuse familiarité, tout en conservant, pour le nom de Marie, la plus profonde vénération.

D'une part, elle exige que le prêtre à l'autel s'incline respectueusement toutes les fois qu'il prononce le nom de Marie. D'autre part, elle invite ses enfants à le prononcer souvent. Dans ce but, elle accorde vingt-cinq jours d'indulgences applicables aux âmes du purgatoire, à quiconque prononce dévotement les saints noms de Jésus et de Marie. De plus, si l'habitude de les prononcer à été constante, il y a une indulgence plénière, à l'article de la mort, au moins de coeur, quand on ne peut le faire de bouche. (Raccolta, etc., p. 52)

Pleine de grâce.

Gratia plena. La grâce, dit saint Thomas, est le commencement de la gloire : Gratia quœdam inchoatio gloriœ. La grâce est donc ce principe divin qui fait de l'homme l'enfant de Dieu, et l'héritier de tous ses biens. Aussi le Docteur angélique ajoute avec raison : "Le moindre degré de grâce vaut mieux que tout l'univers. C'est la grâce seule qui, diversifiée en mille manières, a fait tous les saints, et qui les fera jusqu'à la fin du monde."

Or Marie est pleine de grâce. Voici l'explication sommaire de cette parole : "Plus un être approche de son principe, plus abondamment il reçoit son influence. Ainsi, les anges qui sont plus près de Dieu participent à ses perfections plus abondamment que les hommes. Le Verbe incarné est le principe de la grâce. Jamais personne ne s'approcha plus près de lui que Marie, de lui qu'il reçut la nature humaine. Plus que personne, Marie a donc reçu la grâce dans une plénitude incomparable. De là ce mot de saint Jérôme : "Oui, vraiment pleine de grâce; car aux autres la grâce est donnée partiellement; tandis que toute la plénitude de la grâce s'est répandue dans Marie." (S. Th., III P. Q. 27, art. 5, corp.)

Le Seigneur est avec vous.

Dans son adorable salutation, l'archange distingue soigneusement la grâce et l'auteur de la grâce, l'effet et la cause. Marie est pleine de grâce, il vient de le dire, mais pourquoi est-elle pleine de grâce ? Il va nous l'apprendre : parce que le Seigneur est avec Marie, de la manière la plus intime et la plus complète. Il est avec elle, réellement, personnellement, comme l'enfant qui est dans le sein de sa mère est avec sa mère, et devient l'os de ses os, la chair de sa chair, la substance de sa substance. (Dionys. Richeluis, De Prœcon. et dignit. Virg., lib, I, art. 21)

Marie est donc pleine de la grâce; mais elle n'est pas la source de la grâce, elle en est le réservoir. Nos frères séparés, qui nous accusent d'adorer la sainte Vierge et d'en faire une sorte de divinité, voient que l'archange Gabriel a réfuté, il y a deux mille ans, leurs tristes calomnies.

Dominus tecum, le Seigneur est avec vous. Ce n'est pas seulement le Fils qui est avec la Sainte Vierge; c'est encore le Père et le Saint Esprit. A aucun des saints on ne peut attribuer ce que l'ange, parlant de la sainte Trinité, dit à Marie : "La vertu du Très-Haut vous enveloppera de son ombre; le Saint qui naîtra de vous sera le Fils de Dieu, et le Saint Esprit surviendra en vous." C'est donc à juste titre que Marie est appelée le trône le plus parfait de la sainteté, le palais royal, la demeure du ciel, la salle de festin de toute la Trinité. (Dionys. Richeluis, De Prœcon. et dignit. Virg., lib, I, art. 21)

"Avec vous est le Seigneur Fils, que vous revêtez de votre chair. Avec vous le Seigneur Saint Esprit, de qui vous concevez. Avec vous le Seigneur Père, qui a engendré celui qui s'incarne en vous. Avec vous est le Père, qui de son Fils fait votre fils. Avec vous le Fils, qui pour faire de vous le plus grand des mystères, entre dans vos chastes entrailles sans blesser votre virginité. Avec vous le Saint Esprit, qui, de concert avec le Père et le Fils, sanctifie votre sein." (S. Bern., Serm. III, Super. Missus.)

Le vif esprit du même docteur s'adresse ici une question : "Qu'y a-t-il d'étonnant que Marie soit plein de grâce, puisque le Seigneur est avec elle ? Mais comment expliquer que celui qui avait l'envoyé l'ange à la sainte Vierge, se soit trouvé avec elle à l'arrivée de l'ange ? Dieu a-t-il été plus prompt, que son rapide messager, à descendre sur la terre ? Sans doute, car, pendant que le roi était sur son trône, le nard de la Vierge a répandu son parfum, qui s'est élevé jusqu'au plus haut des cieux." (S. Bern., Serm. III, Super. Missus)

Les poétiques paroles de saint Bernard signifient que dès l'instant de sa conception immaculée, Marie était pleine de grâce; que Dieu était avec elle, non pas, il est vrai, corporellement, comme il fut au moment de l'Incarnation, mais par ses dons ineffables et par un amour dont aucune créature, même parmi les Séraphins, ne fut et ne sera jamais l'objet. (S. Th., III P., Q. 27, art. 5)

Vous êtes bénie entre les femmes.

Benedicta tu in mulieribus, vous êtes bénie entre les femmes. La même parole fut dite à Jahel pour avoir tué Sisara, et à Judith, pour avoir triomphé d'Holopherne. Mais, adressé à Marie, cet éloge est mille fois plus excellent. Par les victoires qu'elle a remportées sur le démon; par les faveurs dont elle a été comblée; par sa dignité de mère de Dieu, Marie brille à une hauteur infinie au-dessus de toutes les femmes et de toutes les vierges. Elle jouit surtout d'une prérogative, qu'aucune femme n'a jamais partagée et ne partagera jamais : le bonheur d'être mère sans perdre la gloire d'être vierge. (S. Bern., Serm. IV, de Assumpt.)

Vous êtes la bénie entre les femmes. "La mère de notre race fit le malheur du monde : vous, vous avez fait son bonheur. Eve nous donna la mort, vous nous avez donné la vie." (S. Aug., Serm. XVIII, de Sanctis.)

Vous êtes la bénie entre les femmes, parce que vous seule avez été exempte de la tache du péché originel et de tout péché actuel, même le plus léger. Le Dieu de toute sainteté, qui découvre des taches jusque dans les anges, n'en trouve point en vous. C'est lui-même qui vous en assure : Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a point de tache en vous : Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te.

Croiriez-vous que Luther lui-même unit sa voix à celle de toute l'Eglise pour proclamer Marie, la bénie entre les femmes ? "Marie est pleine de grâce, ce qui veut dire pure de tout péché. Cela est grand et sublime, mais l'abondance de grâce qu'elle a reçue la remplit de tout bien, et l'exempte de tout mal. Tel est le sens des paroles que l'ange lui adresse : Vous êtes bénie entre les femmes. On ne pourrait pas lui dire vous êtes bénie, si jamais elle avait été sujette à la malédiction." (In Postilla majori circa Evang. Annuntiat. M. et circa Ev. festi Concept. Mariœ, apud Canisium, lib. III, c. VI, p. 263)

Béni le fruit de votre sein.

Elisabeth commence par proclamer l'accomplissement de la promesse divine faite à David : "du fruit de votre sein, je placerai un Roi sur votre trône" (Ps 131) Béni soit donc le fils de David, le Messie qui devait naître de lui et qui repose aujourd'hui dans vos entrailles.

Elle ajoute : il est béni; béni non seulement entre tous les hommes, comme vous êtes bénie entre toutes les femmes, mais béni plus que les anges, plus que les hommes, plus que toutes les créatures, puisqu'il est le créateur et le Seigneur de toutes choses. Il est béni et digne de bénédictions incessantes, universelles et éternelles.

De votre sein : formé par le Saint Esprit, ce Fils adorable, ce Désiré des nations, n'a point de Père sur la terre. Il est exclusivement le fruit de vos entrailles virginales.

Du plus pur de votre sang il se nourrit, de votre substance il se développe. Il est l'os de vos os, la chair de votre chair.

Là finissent les paroles de sainte Elisabeth. Pas plus que l'ange elle ne prononce le nom de ce Fils de bénédiction. Pourtant elle le connaissait ! Quelle peut être la raison de ce nouveau silence ? Serait-il téméraire de dire qu'elle se trouve dans le respect pour ce nom au-dessus de tout nom ? Vous savez que chez les Juifs il était défendu de prononcer le Tetragrammaton, nom mystérieux du Tout-Puissant. Or, le nom de Jésus est plus grand encore, plus mystérieux et partant plus sacré.

Quoi qu'il en soit, ce nom divin apporté du ciel et donné à son Fils par le Père éternel, l'Eglise catholique a pris soin de l'insérer dans la Salutation angélique. Comme nous l'avons vu, cette insertion est due au pape Urbain IV.

C'est par saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, que l'Eglise prononce les paroles au Concile d'Ephèse (431) : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pécheurs. (Angelus Domini., Monza, 1856, p. 1)

Cette circonstance explique comment, au VIIè siècle, l'Eglise d'Alexandrie, ainsi que nous l'avons vu, connaissait déjà cette prière.

Maintenant.

Nunc : maintenant. Maintenant que nous sommes dans les luttes de la vie, maintenant que nous voyageons sur une mer orageuse, semée d'écueils, et où il y a de nombreux naufrages et de grandes infortunes, maintenant qu'environnés d'ennemis perfides, cruels, nuit et jour acharnés à notre perte, et dont nous pouvons, d'un instant à l'autre, devenir les victimes pour toute l'éternité. Maintenant donc, Mère toute-puissante, priez pour nous.

Et à l'heure de notre mort.

Et in hora mortis nostrœ : et à l'heure de notre mort. De toutes les heures qui composent notre existence, il n'y en a qu'une de décisive : c'est l'heure de la mort. Cette heure soude le temps à l'éternité, et cela pour jamais.

Notre implacable ennemi, le démon, le sait bien. Nous mourrions de frayeur si nous pouvions voir ce qui se passe autour du lit d'un moribond. Si rudes qu'ils soient, les combats de la vie ne sont pas comparables à ceux que les esprits de ténèbres livrent à l'âme, prête à se séparer du corps. S'ils ne s'en emparent, ils sentent que cette âme va leur échapper. Leur rage ne connaît plus de borne.

Incrédulité, impatience, présomption, défiance, remords, terreur, désespoir, ils l'assiègent de toutes les tentations à la fois. Est-il une heure où le secours de Marie nous soit si nécessaire ? Disons-lui donc souvent pendant la vie : Protégez-nous à l'heure de notre mort. C'est le moyen d'obtenir son assistance dans ce moment décisif.

L'Eglise militante est comme une fille qui ne peut se séparer de sa mère. L'amour, la confiance, le sentiment du besoin la retiennent à ses pieds. Lui avoir dit trois fois : Priez pour nous, ne lui suffit pas. Aux Ave Maria de l'Angelus, la piété catholique ajoute le verset : Priez pour nous, sainte Mère de Dieu; et le répons, afin que nous devenions dignes des promesses de Jésus-Christ; puis, l'oraison que vous connaissez.

Ces belles demandes ne font point partie essentielle de l'Angelus. D'ailleurs elles me paraissent suffisamment expliquées dans ce qui précède.

 

 

Augustinius

Avec l'accord précieux de son auteur notre Ami Augustinius  

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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